Constitution en régression? ce sera NON !
Constitution en régression? ce sera NON !
En février, la Constituante
« prenait acte » de lavant-projet
régressif commis par sa majorité de droite et
dextrême droite. Les groupes de la gauche de la
Constituante (solidaritéS, Associations, AVIVO, PS et Verts) ont
présenté une déclaration commune sur les points
non-négociables devant tous être (ré)introduits
dans le projet, sauf à entraîner un vote commun
négatif. Nous publions des extraits des interventions de Michel
Ducommun et Nils de Dardel, pour solidaritéS, dans ce
débat.
Michel Ducommun : Nous
nétions pas vraiment pour une Constituante, parce que
nous connaissions les rapports de force politique dominant dans notre
canton et que nous pensions que lécriture dune
nouvelle constitution serait plus loccasion de
régressions sociales que davancées. Le projet
actuel nous donne raison. Les régressions sont claires. […]
Premièrement, au niveau du logement et du nucléaire. Nils
de Dardel en parlera. La régression est également claire
sur léligibilité des fonctionnaires. […] Je ne
reviens pas sur les conditions dites « non
négociables » présentées au nom des
cinq groupes. Je réponds quand même à Mme Gisiger
quand elle parle de « menaces ». Si nous
estimons que le projet qui va être issu dune
majorité qui est systématique dans cette Assemblée
est en recul par rapport à la constitution actuelle, il ne
sagit pas de « menaces », il
sagit simplement de préférer ce qui a le plus de
garanties sociales pour la population. Je reprends les autres
problèmes dont on na pas parlé.
Premièrement, le droit
de grève. Il est vrai quen partie, il reprend ce
quil y a dans la constitution fédérale, mais
dune manière plus limitative. Je remarque en outre
quon na pas repris tous les articles de la constitution
fédérale ; il y a donc une symbolique à
reprendre précisément cet article-là, et
dune manière encore plus forte. Il y a une atteinte au
droit de grève qui est volontaire dans ce texte; nous nous y
opposerons.
Deuxièmement, le salaire
minimum à la mode jurassienne – cest pourtant une mode un
peu douce a été refusé de justesse. […]
Cest le refus de quelque chose
délémentaire…
Troisièmement, et cela,
cest important, des droits fondamentaux comme les soins, comme
laide sociale, comme le logement, comme la formation ne sont
plus des droits mais deviennent des buts sociaux, en complément
de la responsabilité individuelle et de linitiative
privée. Cest juste un complément, dans le cadre
des moyens disponibles, et ne donnant aucun droit subjectif. […] Il y
a quelque chose dessentiel, dans notre refus dune telle
formulation si on la compare à celle de la constitution actuelle.
Autre remarque :
laliénation dimmeubles. Cest vrai
quon a dit que cette formulation par la commission de
rédaction était très concise. Cest vrai
quelle arrive à mettre vingt à trente lignes de
choses importantes sur les aliénations dimmeubles en une
seule ligne. Cest vrai que cela laisse énormément
de portes ouvertes. Cest peut-être simple, mais au niveau
des choses quelle implique et quelle garantit, il
ny a plus rien.
Et puis, jen terminerai par là:
lensemble du projet est marqué par une volonté de
mettre linitiative privée au centre, avec une large
ouverture aux privatisations. Cela se traduit au niveau de la vision de
la subsidiarité qui ne se limite pas, comme en
général, à linstitution étatique
inférieure, mais comprend toutes les initiatives privées
ou individuelles. Finalement, dans cette définition de la
subsidiarité, lEtat ne doit intervenir quen
dernier ressort, lorsquaucune autre solution ne paraît
possible. […] Cest une définition du moins dEtat.
Cette volonté de favoriser linitiative
privée se traduit aussi par le refus dinscrire dans la
constitution le nom des établissements publics principaux ;
sils existaient dans la constitution, cela obligerait à
un vote populaire en cas de privatisation même partielle. Cela se
traduit également par louverture aux organes
privés, et cest nouveau, de la surveillance des finances
de lEtat. Au niveau de lindépendance des organes
de surveillance, il y a un problème. Et cela se traduit
finalement par lintroduction de la possibilité, et elle
est nouvelle, de déléguer des services publics. Tous ces
éléments sont des régressions
Nils de Dardel : […]
Jaimerais surtout insister sur deux reculs qui sont
extrêmement importants par rapport à la situation
constitutionnelle daujourdhui.
Dabord, le recul en matière dénergie.
Ce nest pas seulement la question de lénergie
nucléaire. Cest vrai, lopposition frontale, totale
à lénergie nucléaire telle quelle
est contenue dans la constitution daujourdhui est quelque
chose de fondamental, mais cette interdiction est accompagnée
dun programme complet de mesures déconomie
dénergie et de politique énergétique qui se
trouvent en détail dans larticle 160E de la constitution,
et cela aussi a été supprimé. Et cest en
tout cas aussi important du point de vue du recul décrit tout
à lheure.
En matière de logement,
cest exactement le même processus qui sest produit
dans cette Constituante. Non seulement on a biffé le terme
emblématique de droit au logement, mais on a supprimé
aussi toutes les mesures nécessaires contenues aujourdhui
dans la constitution qui concrétisent ce droit, par exemple la
lutte contre la spéculation foncière, la priorité
à la construction de logements sociaux, les mesures contre les
logements vides, les mesures propres à éviter que les
personnes évacuées par des décisions judiciaires
se retrouvent sans logement.
Et, pire encore, toutes ces
mesures ont été remplacées par une sorte de
programme politique permettant aux promoteurs de construire
partout et sans contrainte des immeubles de bureaux et des logements en
propriété par étage, en tout cas en grande
majorité. Cette situation, cest pire encore quun
recul, cest vraiment une inversion complète de la
politique voulue par la population de Genève en matière
de logement. […]