La lutte contre le racisme fait-elle mauvais genre ?

La lutte contre le racisme fait-elle mauvais genre ?

La répression du voile puis de
la burqa, les assises identitaires sur l’islamisation et le
colloque de l’UPMP sur la laïcité ont
accrédité chez certain·e·s
l’existence d’une question musulmane qui menacerait les
droits des femmes, des juifs, des homosexuels et même la
démocratie.

Beaucoup voient dans la lutte contre l’islamophobie un faux-nez
de l’islamisme et certain·e·s pensent encore que la
lutte contre l’antisémitisme cache un projet de domination
juive. La lutte contre toutes les discriminations ne
s’exécute pas comme une consigne. Elle suppose des combats
particuliers et un horizon commun pour nourrir leur dialogue.

1789, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

La critique des oppressions est au cœur des luttes politiques
depuis la révolution française qui  formula les
exigences animant encore les engagements contre le racisme, le
colonialisme, le sexisme. En août 1791, les esclaves se
révoltent à Saint-Domingue. Toussaint Louverture proclame
la volonté de voir régner la liberté et
l’égalité : « Unissez-vous,
frères, combattez, déracinez avec moi l’arbre de
l’esclavage ». Fin septembre 1791, la France
révolutionnaire sera la première à
émanciper les Juifs mais repousse, en octobre de la même
année, la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne d’Olympe de Gouges, qui sera guillotinée en
novembre 1793. Embastillé le 25 août 1802, Toussaint meurt
le 7 avril 1803.

    Depuis plus de 20 ans, les vieilles
métropoles impériales de l’occident capitaliste
démembrent les droits sociaux qu’ont acquis leurs peuples.
Leurs niveaux de vie restent pourtant supérieurs aux conditions
imposées dans les anciennes colonies. De grands partis
gouvernementaux interprètent cette disparité comme une
marque de supériorité et stigmatisent le sud,
l’orient, qu’ils disent incapables de se développer,
qu’ils accusent de couver la barbarie, l’islamisme.

«Femmes en mouvement – l’Egalité absolument»

En Suisse, 40 ans après le droit de vote des femmes, 30 ans
après l’article constitutionnel sur
l’égalité, 20 ans après la 1ère
grève des femmes et 15 ans après l’entrée en
vigueur de la Loi sur l’Egalité, le Collectif du 14 juin
s’attaque aux discriminations que subissent encore les femmes. Il
revendique entre autres : l’égalité
salariale, l’égalité des chances dans
l’emploi, la revalorisation des métiers dits
« féminins », la valorisation du
travail non-rémunéré, des places de qualité
pour l’accueil des enfants et des personnes dépendantes,
un congé parental, la fin des violences envers les femmes et le
respect du corps.

L’égalité malgré l’inégalité ?

Qui ne se reconnait pas dans ces revendications qui répondent
à des besoins criants ? Pourquoi la lutte contre le
racisme ne suscite-t-elle toujours pas une telle plateforme ?
L’article constitutionnel sur l’égalité
n’appelle-t-il pas une lutte semblable ?
Etrangères, les victimes seraient-elles 
méconnues ? Comment ignorer que leur discrimination est
due à la loi qui modèle depuis un siècle la
culture dominante ? N’est-il pas temps
d’étendre à toutes et à tous la lutte
pour les droits égaux ? Les modifications du Code civil
découlant de la Loi sur les étrangers (LEtr, 24 septembre
2006) assurent-elles le respect des femmes, des enfants ?

    L’officier de l’état civil refuse
son concours lorsque l’un des fiancés ne veut
manifestement pas fonder une communauté conjugale mais
éluder les dispositions sur l’admission et le
séjour des étrangers (Art 97);
La présomption de paternité du mari cesse lorsque le
mariage est annulé du fait qu’il a été
contracté pour éluder les dispositions sur
l’admission et le séjour des étrangers (Art 109);

L’égalité absolument ? L’égalité pour toutes et tous maintenant!

La politique à l’égard des étrangers et des
réfugiés ferme la Suisse « aux
ressortissants des pays qui n’ont pas les idées
européennes (au sens large) » (Conseil
fédéral, 15 mai 1991). Les chambres
fédérales ont ainsi adhéré le 9 mars 1993
à la Convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale mais elles ont
refusé de s’engager à ne pas commettre de
discrimination raciale. Une semblable stigmatisation des femmes
serait-elle passée inaperçue ?

    Que dit l’article sur
l’égalité de la Constitution
fédérale ? « Tous les êtres
humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de
discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son
sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son
mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou
politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale
ou psychique. L’homme et la femme sont égaux en droit. La
loi pourvoit à l’égalité de droit et de
fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation
et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire
égal pour un travail de valeur égale. La loi
prévoit des mesures en vue d’éliminer les
inégalités qui frappent les personnes
handicapées ».

A la source du féminisme contemporain

Dès les années 1960, animé par des
féministes antiracistes, anticolonialistes et antifascistes, des
Simone de Beauvoir, Angela Davis, Gisèle Halimi, Fadela
M’Rabet, le MLF a porté les grandes luttes pour
l’égalité que poursuivent aujourd’hui tant de
Taslima Nasreen ! Contre le sexisme et l’islamophobie, le
féminisme et la lutte contre tous les racismes doivent à
nouveau se développer ensemble.


Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme