L'arme des ventres vides ou la résistance populaire du peuple palestinien

 Au cours des mois d’avril et de mai derniers, plus de 2000 prisonniers palestiniens se sont engagés dans une grève de la faim ouverte pour protester contre le traitement inhumain et illégal infligé par le Service pénitentiaire israélien (SPI).

 

Certains prisonniers, comme Thaer Halahleh et Bilal Diab, ont entamé leur grève bien avant le 17 avril, date du lancement de la protestation collective, se privant pour plus de 77 jours de nourriture. Le 15 mai dernier un accord a été conclu entre les représentants des prisonniers palestiniens et les autorités israéliennes, répondant aux demandes des prisonniers palestiniens et « améliorant » leur condition de détention. Malgré cet accord, certains détenus palestiniens poursuivent leur grève de la faim, car le SPI n’a toujours pas étendu à l’ensemble des prisonniers les termes de l’accord.

 

Des conditions de détention inhumaines

Les prisonniers ont revendiqué la fin de la pratique abusive de l’isolement pour des raisons de sécurité?; 19 prisonniers sont concernés par cette modalité de détention, dont certains y ont passé les dix dernières années. Les revendications portaient également sur l’abrogation d’une série de mesures punitives prises suite à la capture du soldat israélien Gilad Shalit (refus des visites familiales pour tous les prisonniers de Gaza depuis 2007 et déni d’accès à l’enseignement universitaire depuis Juin 2011). Les prisonniers ont également appelé à mettre fin à la détention administrative, souvent pour de longues années, sans inculpation ni jugement. Ainsi en est-il pour Thaer Halahleh, comme pour de nombreux autres, violemment arrêtés au milieu de la nuit, et ne connaissant pas jusqu’à aujourd’hui les charges exactes retenues contre lui. Le vague entourant la notion de «menace pour la sécurité» permet aux autorités israéliennes d’arrêter tout individu semi-actif dans une organisation politique, ou qui participe à des manifestations non-violentes. Selon l’organisation palestinienne Addameer des droits des détenus et des droit Humains, le 1er mai, il y avait 4635 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, dont 308 en détention administrative, sept femmes et 218 enfants.

     Les politiques illégales du SPI ont longtemps été passées sous silence par la communauté internationale, et particulièrement par les gouvernementaux occidentaux impérialistes afin de ne pas compromettre leur allié israélien ; elles ont ainsi été presque complètement ignorées par les médias occidentaux.

 

Une protestation courageuse

Durant la grève de la faim, le SPI a pris des mesures punitives à l’encontre des prisonniers, leur infligeant jusqu’à 130 $ par jour d’amendes, les plaçant en isolement, leur coupant l’approvisionnement en eau et en électricité, ou leur refusant les visites de leurs avocats et de leurs familles.

     L’accord a été conclu le jour de la Nakba (la « catatrophe »), jour symbolique pour le peuple palestinien, célébré chaque année pour rappeler au monde l’existence des Palestinien·ne·s et la nécessité de défendre leurs droits fondamentaux, en particulier le droit au retour. 800 000 Palestiniens ont été en effet expulsés suite à la création de l’Etat d’Israël le 15 mai 1948. Aujourd’hui, sur une population totale de 10,6 millions de Palestinien·ne·s, 7,1 millions, ce qui représente environ 67 % de la population palestinienne, sont des réfugié·e·s. Depuis l’occupation de l’Etat d’Israël de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza en 1967, 650 000 Palestinien·ne·s ont été emprisonnés, soit environ 20 % population, et 40 % de tous les hommes.

 

Une grande vague de solidarité

La grève de la faim collective des prisonniers a galvanisé la société palestinienne menant à des protestations hebdomadaires aux portes des prisons israéliennes. Le sort des grévistes a touché une corde sensible, menant à des rassemblements quotidiens de soutien dans les territoires occupés de Cisjordanie et de Gaza. Des dizaines de Palestiniens, y compris des politiciens qui avaient été eux même détenus dans le passé, se sont mis en grèves de la faim en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sous des tentes construites à l’occasion en solidarité avec les prisonniers. Les forces d’occupations israéliennes ont répondu à ces actes de solidarité en tirant sur les manifestants, dans les villes et villages de  Cisjordanie, avec des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des canons à eau.

     Faut-il s’étonner que ces formes de protestations pacifistes n’aient pas attiré l’attention d’une presse internationale qui préfère dénoncer le « terrorisme » de la résistance armée palestinienne, plutôt que de rendre compte d’une résistance populaire et pacifiste ?

     La campagne de résistance de grève de la faim collective des prisonniers palestiniens montre le refus de se soumettre à l’Etat israélien raciste, colonial et occupant. Un chant populaire dans les manifestations quotidiennes qui ont eu lieu à Ramallah durant la période de grève de la faim a symbolisé cette volonté de résistance des manifestants : «Ceux qui appellent à la paix, écriront demain sur les murs qu’ils regrettent ce qu’ils ont fait.»

     La détermination des grévistes de la faim et la solidarité soulevée pour ces derniers dans le monde entier ont démontré que les occupants ne peuvent pas détruire l’esprit du peuple palestinien et de la cause palestinienne.

     Les processus révolutionnaires ont aussi réaffirmé la centralité de la cause palestinienne dans la lutte des peuples de la région pour l’émancipation et leur libération complète.

     Vive la lutte et solidarité avec le peuple palestinien !

 

Joe Daher