L'entreprise comme horizon indépassable

Ça se savait et c’est confirmé : Johann Schneider-Amman n’est pas le conseiller fédéral le plus futé de ces dernières décennies et sa vision du monde peine à dépasser les limites naturelles de son Emmental natal. Ses récentes déclarations à la « NZZ am Sonntag » où il livrait sa fine analyse du chômage des jeunes, dû à l’existence d’une trop forte proportion de gymnasien·ne·s a fait un tollé en Suisse romande, puisqu’il y localisait cette tendance néfaste.

Dommage, cette focalisation sur un seul élément de son entretien, qui réduit la portée des propos de l’ancien dirigeant patronal. On y apprend pourtant que l’hypertrophie du système de formation britannique et français, trop axé sur le niveau universitaire, contribue à la désindustrialisation de ces pays, ce que confirmeront immédiatement les salarié·e·s de Peugeot-PSA. On y lit aussi que si la tendance à former trop de futurs universitaires existe en Suisse – avec son corollaire, le peu d’attrait de la formation professionnelle – c’est en partie à cause… des familles d’immigrants qui, méconnaissant les qualités du système suisse de formation professionnelle, ne verraient de solution qu’au niveau universitaire. Un tantinet xénophobe Schneider-Amman ? Mais non, voyons, tant il est évident que les décennies de manque de places d’apprentissage sont bien de la responsabilité de ces familles provenant « par exemple de France et d’Allemagne » qui n’ont aucune idée de ce qu’est une formation professionnelle à la sauce helvétique.

 

     Son appel à une sélection accrue n’a pas non plus trouvé l’écho qu’il aurait dû : « Je pense que nos exigences en matière de formation ne pourront jamais être trop élevées si nous voulons continuer à appartenir aux nations les plus innovatrices et compétitives ». Et surtout, signe des temps, sa conception d’une formation, universitaire ou non, tout entière orientée sur les besoins des entreprises, préformée et légitimée par eux seuls n’a pas semblé faire problème. C’est pourtant là que se situe le nœud de la question, car le capitalisme en crise n’a aucune perspective à moyen ou long terme à offrir. Or la formation est une entreprise de longue durée, qui ne résume pas à la production d’idiots spécialisés (Fachidioten, comme on dit du côté de Langenthal).

DS