Après l'assassinat de Choukri Belaïd

Après l'assassinat de Choukri Belaïd : Réaliser ensemble les objectifs de la révolution

L’assassinat du militant de gauche Choukri Belaïd le 6 février 2013 a précipité la Tunisie dans une nouvelle phase révolutionnaire sur fond de contestation populaire contre la dérive autoritaire du gouvernement dirigé par En-Nahda et avec l’approfondissement des problèmes économiques et sociaux plongeant de nouveaux tunisien·ne·s dans la pauvreté.

L’assassinat de Chokri Belaïd s’inscrit dans une atmosphère continue de violence politique contre toutes et tous les op­po­sant·e·s au gouvernement. La responsabilité politique de En-Nahda est engagée car il a laissé s’installer un climat d’impunité dans le pays dont témoigne  la croissance des agressions politiques. Le militant de gauche était d’ailleurs la deuxième victime de meurtre à motivation politique après Lotfi Nakhd, un membre du parti Nidaa Tunis, assassiné en Octobre 2012 par des membres des soi-disant Ligues de Protection de la Révolution (LPR) », milices liées à En-Nahda.

Le jour des funérailles de Choukri Belaïd, des jeeps chargées de salafistes munis d’armes et d’épées défilaient dans certains quartiers de Tunis et provoquaient les passant·e·s. 

Depuis l’été dernier, de nombreuses attaques menées par les LPR et des groupes salafistes ont eu lieu contre des meetings politiques du Front Populaire et ses parti­san·e·s, et autres mi­li­tant·e·s et associations (notamment les artistes empêchés de se produire pour «violation des principes islamiques»). Le 4 décembre dernier, jour de la commémoration du 60e anniversaire de l’assassinat du leader et fondateur du mouvement syndical tunisien Farhat Hached, les LPR ont attaqué le siège de l’UGTT à Tunis avec des bâtons, des couteaux, des bombes à gaz, causant plus d’une dizaine de blessés.

La violence de ces milices s’est également accompagnée d’un durcissement de la répression étatique contre les op­po­sant·e·s et particulièrement contre de nombreux syndicalistes arrêtés à plusieurs reprises à cause de leurs activités syndicales.

 

Echec des politiques du gouvernement de En-Nahda

Les dérives autoritaires du gouvernement En-Nahda et l’aggravation des problèmes socio-économiques nourrissent une opposition toujours plus résolue, qu’elle soit issue de la société civile (associations féministes, artistes etc…) ou des organisations politiques de gauche. 

La classe ouvrière tunisienne et les classes populaires en général subissent une politique économique et sociale ultra-libérale. Les sociétés publiques sont la cible du gouvernement qui désire les vendre aux pays du Golfe, et surtout au Qatar. En-Nahda s’est en outre engagé avec un zèle certain, depuis le début de son entrée en fonction, à respecter les engagements de la Tunisie envers les institutions monétaires internationales comme le FMI et la BM pour se voir accorder de nouveaux prêts dépassant plusieurs milliards.

La Tunisie entame en effet le dernier stade des négociations au sujet de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne (UE) et le parachèvement des négociations, à ce sujet, est prévu pour fin 2013?; de nouvelles politiques d’austérité économique et de mesures néo­libérales en découleront. Ces politiques économiques, dans la droite ligne de l’ère Ben Ali, appauvrissent davantage la société tunisienne. 

 

Quelle réponse

Le rejet de la proposition du Premier ministre démissionnaire Hamadi Jebali, membre d’En-Nahda  de former un cabinet de technocrates jusqu’à ce que des élections puissent se tenir, marque une nouvelle radicalisation du parti.  En-Nahda a confié au ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh, le soin de former un nouveau gouvernement. Il est évident que En-Nahda va s’accrocher au pouvoir par tous les moyens nécessaires, violents ou non.

La meilleure réponse à l’assassinat de Choukri Belaïd et la meilleure façon de lui rendre hommage est de poursuivre la révolution et  de renverser le gouvernement dirigé par En-Nahda. Le renforcement du mouvement populaire à travers le Front populaire et l’approfondissement des mobilisations dans tous les secteurs de la société doivent être l’objectif de tous les camarades en Tunisie aujourd’hui. La résistance doit être construite par le bas dans chaque quartier, village et ville.

En aucun cas, la coalition du Front populaire ou tout autre parti progressiste ne doit s’allier avec des symboles de l’ancien régime dans leur opposition au gouvernement En-Nahda, et notamment avec le parti Nidaa Tunis. Dirigé par l’ancien Premier ministre Béji caïd Essebsi, ce parti réunit beaucoup de cadres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti du dictateur déchu Ben Ali), et apparaît comme une alternative plus attrayante que la gauche aux yeux des organisations patronales, des chancelleries étrangères et des institutions financières internationales. La critique principale de Nidaa Tunis contre le gouvernement actuel est en effet le manque de sécurité dans le pays?; pas un seul mot sur ses politiques économiques et sociales. 

La lutte est en effet une lutte de classe et non une lutte entre laïcs et islamistes, mais entre les intérêts des classes bourgeoises représentées par les caciques du régime de Ben Ali et les dirigeants d’En-Nahda contre les classes populaires. 

L’opposition à En-Nahda est basée sur les politiques bourgeoises et réactionnaires de son leadership, et non sur la foi et la pratique religieuse de leurs membres, qui sont des droits fondamentaux qui ne peuvent en aucun cas être interdits, tant qu’il n’y a pas de volonté à l’imposer sur à l’ensemble de la société. 

En-Nahda agit comme un obstacle et une force antagoniste à la continuation de la révolution, son destin doit donc être similaire à celui du régime de Ben Ali : être renversé. 

 

Joseph Daher