Licenciements antisyndicaux, une affaire qui marche

La longue liste des représentant·e·s du personnel et des militant·e·s syndicaux licenciés par leur patron ne cesse de s’allonger. A se demander même s’il en restera encore quelques un·e·s lorsque la plainte déposée contre la Suisse par l’Union syndicale suisse sera traitée par l’Organisation internationale du travail (OIT).

 

Après les ex-grévistes de La Providence, c’est au tour, en Suisse romande, de Hans Oppliger d’être sous les feux de l’actualité. Membre de la commission du personnel de son entreprise (La Suisse, puis la Tribune de Genève, puis Edipresse) depuis plus de vingt ans, ancien président national du secteur Industrie graphique de Comedia (aujourd’hui Syndicom), c’est une figure connue du militantisme syndical et de la combativité dans son secteur et sur la place de Genève. En 2009, il était encore représentant élu du personnel au Conseil de fondation LPP Edipresse. Lors du licenciement collectif de 2009–2010, Edipresse (aujourd’hui Tamedia) profita évidemment de l’occasion pour se débarrasser enfin de ce gêneur.

Cependant, le contrat collectif de travail (CCT) de l’industrie graphique en vigueur à l’époque incluait une protection contre les licenciements des représentants du personnel. Ceux-ci ne pouvaient être licenciés en raison de leur activité. En outre, si l’entreprise envisageait le licenciement d’un tel représentant, elle était tenue de respecter une procédure à laquelle devaient participer la direction, la représentation du personnel ainsi que les parties signataires du CCT. Cette procédure avait pour but de trouver des solutions afin d’éviter – dans tous les cas – le licenciement d’un représentant du personnel. Elle n’a pas été respectée par Edipresse. C’est pourquoi Hans Oppliger a engagé un procès devant la juridiction du travail pour faire annuler son licenciement à la suite du non-respect du CCT ou, subsidiairement, si la nullité n’est pas admise, en faire reconnaître le caractère abusif et condamner Tamedia à lui verser une indemnité.

 

Une manifestation de soutien aura lieu jeudi 16 mai à 8h30 devant le Palais de justice de Montbenon à Lausanne.

 

Dans la branche, le cas de Hans Oppliger n’est pas isolé. Après Daniel Sutter, président de la commission du personnel du Tages Anzeiger, Tamedia est encore en cause dans une autre affaire de licenciement d’une représentante du personnel à la Tribune de Genève. A Fribourg, c’est deux représentants du personnel à Radio Fribourg/Freiburg qui ont été congédiés abusivement. Heureusement, une mesure du même genre a pu être contrée avec succès dans une imprimerie genevoise, où, licencié à la veille de la mobilisation autour du CCT 2013, un militant de Syndicom a pu être réintégré rapidement.

 

Ne pas oublier Tesa

Dans le canton de Vaud, l’affaire du licenciement de deux délégués syndicaux par Tesa, une entreprise de fabrication d’instruments de mesure, se poursuit. Ces congédiements étaient intervenus lors d’une négociation autour de l’application du très critiqué « article de crise » (art. 57 de la CCT de l’industrie des machines), qui autorise des dérogations à la convention dans certaines circonstances. Dans le cas présent, la direction avait proposé d’augmenter la durée du temps de travail de 40 à 45 heures par semaine durant deux ans, et cela sans compensation de salaire ! Or les justifications de ce recours à l’article de crise étaient loin d’être satisfaisantes. L’absence totale de protection contre les licenciements de tous les salarié·e·s en Suisse prend évidemment une tournure catastrophique pour l’organisation des travailleurs et de travailleuses lorsque le patron peut « régler » un désaccord à coup de licenciement. 

 

Daniel Süri

 

 

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Tamedia: Bienvenue chez les rapaces

 

On ne sait si Tamedia, propriété à 49,93% de la famille Coninx-Supino, cherche à obtenir le titre d’employeur le plus anti-social du pays (voir l’article ci-contre), mais l’entreprise semble bien partie pour y arriver. Avec une marge de rentabilité avant investissement (le célèbre EBITDA) tournant autour de 20% ces trois dernières années, elle a exigé de ses em-ployé·e·s des sacrifices supplémentaires, laissant planer la perspective de nouvelles réductions d’effectifs, voire de fermeture de titre (Le Matin, p. ex.). Le but est d’économiser 34 millions d’ici 2014.

Lors de sa dernière assemblée des actionnaires, la famille Coninx-Supino a empoché 23.5 millions de francs, le président du Conseil d’administration, Pietro Supino s’appropriant 1,4 million de francs de jetons de présence. Ça paye de manier
le presse-citron!

ds