Lausanne

Lausanne : Il faut préserver la place de l'Europe

Annoncé en 2009 et mis à l’enquête publique en 2012, le versant qui touche le quartier du Flon du grand projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM) fait l’objet de deux frondes de contestation de nature différente mais qui ont en commun le refus de la suppression d’un espace de rencontre au cœur de la ville. 

 

L'une vient de l’association My Flon qui regroupe les commerçants du Flon, présidée par Guillaume « Toto » Morand, patron de la chaîne de magasins de chaussures Pump It Up et trublion politique (entre autres). La page Facebook du groupe My Flon, très suivie et régulièrement alimentée, notamment par une « Histoire du Flon », tente d’inscrire leurs critiques des réaménagements de la place dans la continuité de l’histoire du quartier. Leurs principales critiques concernent trois aspects. D’abord la « rampe Vigie-Gonin » qui détruirait la « forêt du Flon », et abriterait une « Maison du Livre » qui abriterait une bibliothèque municipale et les archives de la Ville. Ensuite la fermeture à la circulation automobile des 300 derniers mètres de la rue de Genève sur laquelle circulera le futur Tram T1 qui reliera Renens à la Place de l’Europe. L’emplacement projeté en plein cœur de cette place du terminus du Tram est le troisième grief de My Flon, en attente d’une réponse fédérale à leurs oppositions déposées en 2012.

 

Une place publique récente mais déjà essentielle

La disparition de cette place de l’Europe est l’objet central de la pétition, signée par 4550 personnes, qu’Agneta et Urs Zuppinger viennent de remettre à l’Office fédéral des transports et qui demande «que ce terminus soit réétudié afin de trouver une solution qui préserve la Place de l’Europe».

Ouverte en 2008 à la suite de la construction de la gare du métro M2, cette place est un lieu de passage et de rencontre régulièrement utilisé à des fins festives et culturelles, par exemple le weekend passé lors du festival Electrosanne. Urs Zuppinger, urbaniste et auteur d’un livre sur l’histoire des luttes au Flon (Luttes-Ô-Flon, éditions d’En Bas, Lausanne, 2012 – voir aussi solidaritéS nº 211), énumère les aspects uniques de cette place : centrale, relativement grande, exposée à la vue depuis le Grand Pont et les passerelles, dépourvue de commerces et d’habitations à proximité et du côté ensoleillé du pont. Y construire le terminus du tram rendrait impossible la tenue de toute manifestation, et rétrécirait de plus le passage piéton vers le Flon.

La perte serait indéniable. La proposition, à titre de compensation, de la Direction des travaux de retirer les places de stationnement de la place Centrale voisine, même si elle est à saluer (et à mettre en œuvre quoi qu’il arrive) ne satisfait pas les pétitionnaires, car, selon leurs argumentaire, «elle se situe à l’ombre du Grand Pont pendant les heures où le centre-ville de Lausanne vit», est «bordée de commerces» et «se situe à l’écart de la plupart des itinéraires pour piétons […] pour pouvoir fonctionner comme lieu de rencontre».

 

Propositions alternatives

Au-delà de la pétition, Agneta et Urs Zuppinger ont rédigé un document intitulé « Idées pour une solution alternative au projet d’aménagement d’un terminus de tram à la Place de l’Europe à Lausanne » qui ne prétend pas apporter de solution définitive. Cette dernière ne peut selon eux être élaborée que par des urbanistes et des spécialistes des transports, mais également par les usa­gers·ères de cette place.

Sans entrer dans les détails, les auteur·e·s préconisent le déplacement du terminus de quelques mètres vers la rue de Genève, ce qui couperait la « boucle de rebroussement » des bus, constituée actuellement par le giratoire du Flon. Ils proposent de déplacer cette boucle sur la place Centrale, ce qui transformerait la partie libérée du giratoire du Flon en espace convivial et faciliterait également les déplacements piétonniers.

Ces deux fronts d’opposition posent chacun des questions et esquissent des solutions – pragmatiques dans le cas des Zuppinger – qu’il faut prendre en compte. Et même si cette discussion est tardive, son enjeu tient à la richesse sociale et culturelle que peut apporter le quartier du Flon en général et la place de l’Europe en particulier.

 

Niels Wehrspann