Fin de grève à Partage

Fin de grève à Partage : Mépris d'État et violence patronale

Le 3 décembre 2013, la grève des travailleurs en « Emplois de solidarité » (EdS) de Partage a pris fin. Le bilan de 105 jours de grève est mi-figue, mi-raisin : certes, les grévistes ont porté haut leur dignité durant plus de trois mois, mais le mépris de l’Etat pour leur condition et la violence exercée par leur employeur en guise de représailles les mets à rude épreuve.

Les deux rapports commandés par le Département de la solidarité et de l’emploi (DSE) – celui du médiateur Martin Stettler du 7 novembre et le rapport interne de L’Office cantonal de l’emploi (OCE) du 3 décembre – dévoilent un employeur dysfonctionnel du point de vue de la gestion des ressources humaines, inadéquat du point de vue des relations de travail au quotidien (familiarité déplacée, intimidations, menaces), et dont l’objectif premier n’est pas l’accompagnement socioprofessionnel des EdS, mais bien le développement exponentiel de prestations sur le marché de la sous-traitance de tâches publiques.

 

Salariés de droit commun

Dans le rapport Stettler, on peut ainsi lire : «petit à petit, les EdS ont été assimilés à des salariés de droit commun, ce glissement fait qu’aujourd’hui le côté ‘social’ du statut d’EdS est de moins en moins pris en compte voire oublié». On découvre le salarié de droit commun… comme le prisonnier de droit commun, à distinguer du prisonnier politique. Poussons la comparaison plus loin : les EdS comme salariés politiques, ceux qui diminuent les statistiques du chômage et donnent l’illusion que le magistrat en charge de l’emploi est efficace : « clap, clap, clap » fait le SECO félicitant le canton de Genève.

Et en plus d’être de beaux instruments politiques, les EdS sont productifs et prennent en charge une partie de la lutte contre la précarité. L’audition de Partage par le Conseil municipal de Carouge a révélé que les fonds dégagés par les activités du volet « Cyclotri » de son activité permettent de financer les activités du volet « Banque alimentaire ». La conseillère d’Etat voit en cela un système parfait, elle l’a dit dans son ultime intervention devant le Grand Conseil : sans les EdS, la redistribution de nourriture par le biais de Partage ne pourrait exister. Ce que nous dit la magistrate, c’est que ce n’est pas à l’Etat de soutenir la lutte contre la pauvreté, les pauvres peuvent se débrouiller entre eux : les uns ramassent des ordures à vélo pour que les autres puissent manger.

 

L’Etat ferme les yeux

Etant donné que ce système est bien pratique, l’Etat ferme les yeux sur tout le reste. C’est bien là que s’exprime le mépris ressenti durement par les grévistes. Les deux rapports donnent raison à leurs doléances, mais la conclusion de l’Etat est que ce n’est pas grave. Partage est tellement obscur dans sa gestion des ressources humaines que l’OCE a dû assister aux séances de direction de 2011 à 2013 pour obtenir des informations ? Oui, mais ce n’est pas grave. La direction de Partage gère son personnel dans l’intimidation et la sanction ? Oui, mais ce n’est pas grave. Partage s’assoit sur la formation et l’accompagnement vers l’emploi ordinaire ? Oui, mais ce n’est pas grave. Le partenariat entre l’OCE et Partage n’a pas été dénoncé. Mais l’OCE va surveiller, nous dit-on. La dernière surveillance de l’OCE s’est interrompue en juillet 2013, un mois avant le déclenchement de la grève…

Le mépris de l’Etat ouvre la porte à la violence du patronat. Partage teste les limites et déploie ses mesures de représailles. Non seulement l’employeur n’a respecté aucune règle lors du licenciement collectif, mais les délais de congé sont faux, tellement faux qu’ils exhalent la malveillance. Il faut ouvrir une procédure aux prud’hommes pour chaque gréviste licencié et faire en sorte que la subrogation de la caisse de chômage permette aux grévistes de toucher leurs indemnités.

 

Facture de Noël pour les grévistes

Deux ans de procédure, à vue de nez. Partage a cessé le paiement des salaires en septembre, mais compte bien se faire un petit bénéfice sur la récupération des jours payés en trop pour cause de grève en août. Une facture a donc été envoyée à chaque gréviste : 1000 francs pour 3 jours de grève. Joyeux Noël, les grévistes ! Pour mémoire, le salaire mensuel net des grévistes est de 2800 francs. Partage ne donne pas de certificats de travail aux grévistes et répond à ceux qui en font la demande de retirer d’abord leur procédure auprès des Prud’hommes. 

Dans entrepreneur social et solidaire, il y a entrepreneur d’abord… le social et le solidaire c’est pour faire du bizness avec l’Etat libéral.

 

Cornelia Hummel