Réflexion sur l'échec de notre initiative contre les forfaits fiscaux

Les mauvais résultats de notre initiative pour l’abolition des forfaits fiscaux, en faveur de laquelle solidaritéS s’est investi massivement, que ce soit dans la phase de récolte de signatures ou de campagne de votations, est l’occasion de s’interroger sur le choix des thèmes sur lesquels la gauche de gauche devrait se profiler au niveau national.

Ils nous renvoient à une question que nous avions soulevée déjà au Congrès de « La Gauche » à Zurich, le 5 mars 2011. Lancer une initiative en choisissant un thème en fonction d’une victoire possible, parce qu’il permet a priori de rassembler de larges secteurs de l’opinion, ne permet pas non plus de faire avancer le débat au sein de la population en proposant une autre orientation que celle défendue depuis des décennies par les dirigeants de l’Union syndicale et du Parti socialiste. Dans le cas de l’initiative pour l’abolition des forfaits fiscaux, l’USS et le PSS apporteront au final leur soutien à cette proposition et participeront de manière décisive à la récolte des signatures, même si leur engagement dans la campagne de votation sera par la suite très limité.

Dès lors, l’approbation de notre proposition par 40,8 % des votant·e·s seulement a pu être perçue comme une défaite et présentée par les médias dominants, certes de façon abusive – dans la plupart des villes alémaniques, cette initiative a recueilli une majorité de oui – comme un plébiscite en faveur des cadeaux fiscaux aux multimillionnaires. Parce qu’il était perçu comme un projet largement consensuel à gauche, et capable de rassembler bien au-delà, le net échec de ce texte ne pouvait donc pas être vécu comme « un bon résultat ». A l’opposé, les 35,6% recueillis par l’initiative pour une Suisse sans armée, en novembre 1989, avaient été salués comme un succès spectaculaire…

Dans ce sens, la proposition que nous avions faite de lancer une initiative pour l’intégration du 2e pilier dans le cadre de l’AVS, avec maintien des avantages acquis, qui devrait permettre, chiffres à l’appui, d’augmenter sensiblement le montant des retraites d’une large majorité de la population, posait un problème de fond. Elle aurait pour cela, sans aucun doute, provoqué un important débat d’orientation au sein de la gauche politique et syndicale. En effet, rompre avec le système des rentes fondé sur la capitalisation nécessitait un retour critique sur le soutien apporté par l’USS et le PSS à sa mise en place, en 1972, et de façon plus générale, sur le « partenariat social » et la «démocratie de concordance» en Suisse. Nous sommes donc toujours aussi convaincus que cette bataille mérite d’être menée à l’avenir.

 

Jean Batou