Le Conseil d'État se tape sur le ventre

La baisse de l’imposition du bénéfice des entreprises prendra tous ses effets dès 2016, divisant par deux le taux par rapport à 2011. Les sociétés payeront 15,65 % d’impôts sur le bénéfice, en tenant compte de la part versée à la Confédération. L’impôt sur les 180 holdings a, quant à lui, été divisé par 100.

Laurent Kurth, ministre cantonal des Finances, le répète à tous vents : «Les chiffres le montrent, la réforme de l’imposition des entreprises est un succès». Toujours la même foi dans le libéralisme : plus les impôts des entreprises baissent, mieux le monde se porte… Quid des économies faites sur le dos des élèves, en particulier de celles et ceux qui ont des difficultés ? Quid des conditions de travail dégradées des en­seignant·e·s ? Quid des soins hospitaliers ? Des maternités ? Des transports publics et de la coupure entre le Haut et le Bas ? A comparer la situation avec d’autres cantons, ou tout simplement avec ce que le canton de Neuchâtel offrait à toute la population il n’y a pas si longtemps encore, on voit bien de quel « succès » et de qui il est question dans les propos du ministre socialiste.   

Les communes, d’ailleurs, tirent aussi la langue. On connaît les problèmes financiers de la ville de La Chaux-de-Fonds, la baisse des rentrées des personnes morales n’y est pas pour rien. Du côté de la Tène, banlieue industrielle de Neuchâtel, les comptes 2014 affichent un excédent de charges de 2,9 millions de francs. «Le Conseil Communal explique cette situation par le fait que les revenus n’ont pas été à la hauteur des prévisions. Notamment en ce qui concerne l’impôt sur les personnes morales.» (Express, 6 juin) Même son de cloche au Val-de-Travers : «La ‹mauvaise› surprise est venue de l’impôt sur les personnes morales, qui n’a rapporté que 3,5 millions de francs sur les 4,4 prévus. Trois des plus importants contribuables, des entreprises horlogères notamment, ont vu leur taxation 2013 baisser de plus de 30%» (Express, 5 juin). Bref, les problèmes financiers se multiplient partout, à part pour le moment en Ville de Neuchâtel, qui s’en sort mieux parce qu’elle a bénéficié du rapatriement d’importants bénéfices de Philipp Morris.

Les premières années, la baisse de la fiscalité des entreprises a profité d’un dynamisme exceptionnel des entreprises horlogères. Maintenant que ça tousse de ce côté-là, la multiplication des mauvaises surprises devient réalité. Mais cela n’empêche pas le Conseil d’Etat à majorité « socialiste » d’afficher in corpore sa pleine satisfaction dans sa conférence de presse. Pour lui, le Canton de Neuchâtel est sur la bonne voie. Electoralisme oblige? Mais il ne suffit pas de bomber le torse et de répéter que tout va bien, merci, pour qu’il en soit ainsi. 

Jusqu’où faudra-t-il plonger avant d’admettre que prospérité ne peut pas rimer avec baisse massive des impôts des holdings et des entreprises ?

 

Henri Vuilliomenet