Bâle-ville

Bâle-ville : Le Conseil d'Etat rose-vert lance une RIE 3 de luxe

Bâle a joué un rôle clé dans la conception de la RIE 3, défendu par le puissant lobby de la chimie. L’exécutif cantonal annonce pourtant des pertes sèches de 140 millions, ce qui paraît peu par rapport aux 450 millions de Genève. C’est que les entreprises bâloises bénéficient déjà de facto de taux extrêmement bas, si bien que la RIE 3 s’y apparente à un toilettage.

La majorité socialiste–verte du Conseil d’Etat avait annoncé que les taux ne seraient pas un enjeu pour l’introduction de la RIE 3 à Bâle-Ville. En effet, leur réduction de 22,2 % à 13 % ne concerne que 15 % des sociétés effectivement taxées, puisque les 85 % d’entre elles bénéficient déjà de taux spéciaux défiant toute concurrence.

Ainsi, 15 % des sociétés déclarant des bénéfices vont voir leur imposition divisée par deux, de 22,2 % à 13 %. Et si la RIE 3 est acceptée au plan fédéral, elles pourront encore y ajouter les déductions supplémentaires prévues par le projet de loi (intérêts notionnels, Patent box, etc.) pour descendre à 7,8 %. Là réside le vrai changement, mais il ne concerne que 15 % des entreprises.

Pour le 85 % des sociétés qui ne paient déjà aujourd’hui qu’un impôt de 8 à 10 % (une RIE 3 avant la RIE 3), la situation resterait globalement inchangée avec un taux plancher de 7,8 %, auquel elles ne pourraient sans doute pas toutes prétendre. Ceci explique que le manque à gagner au titre de la formule bâloise de la RIE 3 ne se chiffre «qu’à» 100 millions.

Pour faire passer la pilule, le riche canton de Bâle-Ville, dont les comptes sont structurellement excédentaires, se paye encore le luxe d’une réduction simultanée de l’imposition des personnes physiques à hauteur de 110 millions. Enfin, une hausse de l’imposition des dividendes devrait permettre de financer quelques maigres prestations sociales supplémentaires.

Globalement, la baisse de l’imposition des entreprises et des personnes physiques devrait réduire les recettes fiscales cantonales de 220 millions, un manque à gagner partiellement compensé par une part accrue à l’IFD et une moindre participation à la péréquation intercantonale. Ainsi le manque à gagner fiscal net est-il évalué à 140 millions.

Ces chiffres sont d’un tout autre ordre que ceux articulés à Genève, où l’Etat annonce une baisse d’impôt de 800 millions pour la grande majorité des sociétés, réduite à 600 millions en raison d’une élévation homéopathique de l’imposition des sociétés à statut. La RIE 3 devrait donc coûter infiniment moins au canton de Bâle, qui peut ainsi se payer le luxe d’un cadeau fiscal d’un même montant aux personnes physiques.

Pierre Conscience