National
National : solidaritéS avec les travailleurs de Caterpillar
Quelques centaines de salarié·e·s de Caterpillar Gosselies (près de Charleroi, Belgique), producteurs d’engins de mine et de chantier, seront à Genève, le vendredi 18 novembre prochain, pour manifester contre la fermeture de leur entreprise (plus de 2000 postes de travail) et la perte de plusieurs milliers d’emplois supplémentaires dans le Hainaut belge.
Solidaire / Salim Hellalet
D’autres sites sont aujourd’hui menacés, notamment en France (Grenoble) et au Royaume-Uni (Monkstown, Irlande du Nord), par le plan de restructuration de cette multinationale. Le ralentissement de l’activité et les rationalisations en cours dans le secteur minier sont la cause première de cette mesure. Mais elle témoigne aussi clairement de l’abandon de toute politique industrielle de la part d’un groupe multinational qui vise avant tout, comme bien d’autres, à satisfaire les exigences de rendement à court terme de ses actionnaires.
Pourquoi une manifestation à Genève? Parce que le siège international de Caterpillar y est localisé. Depuis 2001, l’usine belge n’est plus qu’un prestataire de services de la société suisse: elle se contente d’assembler des engins, dont Genève est propriétaire des brevets, des stocks et des encours de production, décide du volume des commandes et gère les ventes. Pour Thierry Afschrift, professeur de droit fiscal à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), les salarié·e·s de Charleroi ont ainsi le même statut que les couturières du Bangladesh ou les petites mains de Zara (Le Soir, 9 sept. 2016).
En 2012, Caterpillar employait 125 000 personnes dans 300 usines à travers le monde. Mais sur le plan fiscal, elle était devenue suisse. Par le jeu des prix de transfert qui consistent à « sur- » ou à « sous- » facturer les prestations entre filiales, son siège genevois a ainsi réussi à rapatrier près de 85% de ses bénéfices, bien qu’il ne produise rien de lui-même. En effet, depuis 1999, le siège de cette société « à statut spécial » est taxé à un taux défiant toute concurrence, au motif qu’elle exerce la quasi-totalité de ses activités à l’étranger. Selon un rapport présenté au Sénat US, cette optimisation fiscale aurait coûté près de 2,4 milliards de dollars au trésor américain entre 2000 et 2012.
Rappelons que c’est au prétexte de garder les faveurs de ces sociétés prédatrices que l’imposition des bénéfices de toutes les personnes morales (taux et possibilités de déduction) en Suisse, qui est déjà l’un des plus avantageux au monde, devrait encore être massivement réduite si le corps électoral accepte la Troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3), le 12 février prochain.
solidaritéS appelle donc ses lecteurs et lectrices à soutenir les salarié·e·s de Caterpillar Gosselies qui luttent pour leur emploi et leur région. Il faut comprendre que la RIE 3 aura un impact international extrêmement grave. Par cette réforme, la Confédération et les cantons (dont Genève) s’apprêtent à accroître massivement un dumping fiscal qu’elles exercent déjà sur les autres Etats. En même temps, elle va justifier des plans d’austérité de plus en plus durs pour les collectivités publiques en Suisse.
Deux raisons de témoigner notre solidarité aux travailleurs de Gosselies, le 18 novembre prochain, de voter non à la RIE 3, le 12 février, et de refuser clairement ses modalités d’application anticipées aux plans cantonal et communal. Barrons la route à cette réforme partout où cela est encore possible, en particulier à Genève.
Jean Batou