Pas de retraites au rabais: nos vies avant leurs profits

Pas de retraites au rabais: nos vies avant leurs profits

La question des retraites est à l’ordre du jour: de l’Europe (France, Italie, Autriche, Suisse, Allemagne, etc) à l’Amérique latine (Brésil, Argentine), les acquis sociaux de la prévoyance vieillesse sont menacés. Les pressions sont partout identiques: les retraites ne peuvent plus être garanties sans mettre en péril l’avenir économique. Les arguments varient, mais le fond se résume ainsi: pour garantir les profits futurs, il faut abaisser le coût social du travail. Les attaques se précisent sur deux axes: une remise en cause directe des prestations et une offensive concertée pour rallonger l’âge d’activité avant la retraite.


En Suisse, ce scénario est actuellement mis en œuvre par Pascal Couchepin, avec le projet de prolonger à 66 ans puis à 67 ans l’âge de la retraite, et par les assureurs eux-mêmes qui se mobilisent pour réduire les prestations: abaissement du taux d’intérêt minimum de la LPP et baisse du taux de conversion. Ruth Metzler a déjà ramené, avec l’appui du Conseil fédéral, le taux d’intérêt minimal de 4% à 3,25%. Le taux de conversion passera de 7,2 à 6,65%. Ceci implique déjà une perte considérable (près d’un quart!) du montant des rentes versées aux salariés qui sont au plancher minimal LPP, soit les plus défavorisés.

La droite veut faire payer la crise boursière aux salarié-e-s

Récemment, la commission fédérale LPP a proposé une nouvelle baisse du taux d’intérêt minimal à 2% pour janvier 2004! Certains «experts» ont même proposé de descendre jusqu’à 1,5%, en se fondant sur le rendement des trois derniers mois des obligations de la Confédération! Les responsables de l’assurance Winterthur viennent d’obtenir le feu vert de l’Office fédéral des assurances privées pour abaisser le taux de conversion de 7,2% à 5,835% pour les hommes et 5,4% pour les femmes, ce qui représente une perte sèche pour les salariés de 19% en moyenne et de 24% pour les salariées des rentes perçues depuis le 1er janvier 2004.


Alors que depuis sa création, le 2ème pilier constitue un réservoir de capitaux dont se sont servis les milieux patronaux et financiers, cette accumulation atteignant les 500 milliards de Frs a permis de juteux dividendes aux actionnaires pendant des années. Les taux de rendement moyens selon l’indice Pictet ont oscillé entre 6 et 8%, avec des pointes dépassant les 10%. Après deux ans de pertes suite à la chute des valeurs boursières, pertes de l’ordre de 11 milliards en 2002 pour les assureurs privés (1,7 milliard pour la seule Rentenanstaldt, la plus grande et la plus ancienne, pilier de l’ordre helvético-radical), les milieux affairistes feignent l’affolement et prennent des mesures draconiennes à l’encontre des assuré-s-s, afin d’assurer la pérennité des énormes avantages qu’ils tirent d’un système défaillant pour le plus grand nombre.

Pour un système de prévoyance vieillesse social et solidaire

En effet, le 2ème pilier repose principalement sur la capitalisation, système qui ne présente aucune garantie pour le versement des prestations futures, car trop dépendant des fluctuations économiques. Seul, le système de répartition du type AVS garantit dans son principe le niveau de rentes auquel les assuré-e-s ont droit, car la somme des cotisations pour chaque année doit couvrir la somme des prestations assurées, à savoir les rentes versées la même année. De plus ce système instaure une solidarité entre niveaux de revenus et générations, inscrit dans le principe même de cette répartition, véritable redistribution des richesses produites par toutes et tous.


Nous proposons de fusionner le 2ème pilier dans le système AVS, avec une garantie transitoire pour les acquis: ce qui a été versé doit être rendu aux salarié-e-s, avec les intérêtsa accumulés. Ce n’est que justice face aux inégalités croissantes que cette société alimente quotidiennement. Les richesses produites permettent d’assurer une telle transition dans les années qui viennent. Le système de capitalisation doit être aboli, au profit de la répartition. A cette condition, une vértitable AVS assurant des retraites dignes de ce nom pourrait enfin voir le jour. Le système du 2ème pilier a montré son véritable visage: un bassin d’accumulation aux mains des investisseurs, à leur service, enfermant les salarié-e-s dans la logique capitaliste: privatisation des profits et socialisation des pertes.

Dans la rue pour les retraites

En l’état, ni l’AVS actuelle, avec ses rentes minimales et sa 11ème révision qui pénalise les femmes, ni la LPP qui «assure» des pensions en régression constante, ne nous offrent de garanties suffisantes pour des retraites décentes.


Les récentes mobilisations des salarié-es dans toute l’Europe nous montrent la voie: seule une mobilisation déterminée et des contre-propositions solidaires et sociales permettront d’éviter un avenir de misère et de contribuer à améliorer les conditions de vie de la majorité de la population lorsqu’elle aura atteint l’âge de la retraite.


Comme nos voisins français, battons-nous pour une conception solidaire des retraites dans l’intérêt de l’écrasante majorité:


OUI à la généralisation du système AVS fondé sur la répartition et la redistribution des cotisations des actifs/ves en faveur des retraité-e-s!


OUI à une revalorisation massive des rentes minimales qui doivent permettre de vivre dignement!


OUI à l’intégration du IIème pilier à l’AVS avec préservation des acquis des assuré-e-s LPP!


OUI à l’abaissement de l’âge de la retraite; NON à son augmentation; travaillons moins longtemps pour travailler toutes et tous!


Gilles GODINAT