CPEG

CPEG : Bâtir un rapport de forces social gagnant

La crise de la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) résulte d’une décision politique imposée par la droite fédérale en 2010: la recapitalisation des caisses de prévoyances de droit public à 80% à l’horizon 2052 et la baisse des taux intervenue entre-temps sur les marchés.

A sa fondation, en janvier 2014, la CPEG avait un taux de couverture de 57,3% seulement, ce qui impliquait que plus d’un quart des cotisations des employeurs et des assuré·e·s ne servirait qu’à sa recapitalisation sur 38 ans.

La catastrophe annoncée…

Moins de 2 ans après, suite à l’abandon du taux plancher de l’euro et à l’introduction de taux négatifs sur les obligations de la Confédération, la baisse de son taux technique (de 3 à 2,5%) était décidée. Et comme il sert à calculer les prestations futures de la Caisse en fonction de l’évolution escomptée du nombre des cotisant·e·s, des rendements de la fortune et de l’espérance de vie des assuré·e·s, elles devront être fortement réduites si des contre-mesures ne sont pas adoptées rapidement par le Grand Conseil.

Or, il n’est plus possible de tirer sur l’élastique qui a permis jusqu’ici de défendre la primauté de prestations – soit des pensions à 60% du dernier salaire cotisant – en relevant encore les cotisations (27% dès 2019) ou l’âge de la retraite (65 ans, selon la récente décision du Comité). Pour éviter une brutale dégradation des pensions, une recapitalisation est indispensable. C’est pourquoi Ensemble à Gauche a rassemblé une majorité au parlement pour un plan d’urgence visant un financement public de 800 millions (dont 320 sont déjà provisionnés), assorti d’une cotisation temporaire de 0,55% sur 12 ans et demi, payée par les seuls cotisant·e·s, équivalant à un apport supplémentaire de 200 millions.

… et les moyens de la conjurer

Le 24 avril, en session extraordinaire, le Grand Conseil a refusé le renvoi immédiat en commission, puis voté l’entrée en matière sur notre projet par 51 voix contre 46 et une abstention. Mais au 2e débat, les Verts ont plaidé pour le renvoi en commission. Nous aurions préféré une détermination plus ferme, forçant le Conseil d’Etat à renoncer à demander le troisième débat, repoussant ainsi le vote final à la prochaine session. Mais l’essentiel était de montrer qu’une majorité pourrait soutenir notre projet si l’exécutif ne proposait pas une issue satisfaisante. Il a donc été renvoyé en commission des finances, d’où il peut être sorti en tout temps par la même majorité.

Entre-temps, le représentant du Conseil d’Etat à la présidence de la CPEG ne pouvant plus imposer à son comité l’adoption d’un remède de cheval – baisse des rentes à 54%, voire à 51% du dernier salaire cotisant – il a changé de ton. D’où la proposition d’une solution « négociée », avec un taux de rente plus proche de 60%, en échange de l’abandon de la primauté des prestations. En clair, l’Etat serait disposé à recapitaliser la Caisse à 80%, maintenant sa garantie sur les 20% restants, tandis que les cotisant·e·s renonceraient à une rente calculée à partir de leur dernier salaire, sa fixation dépendant alors des aléas des marchés.

Cette solution ne se justifie pas du fait d’un effort de recapitalisation inférieur: au contraire, le passage en primauté des cotisations présenterait en soi un coût de plusieurs centaines de millions de plus (!) Mais elle répond à des préoccupations politiques, car elle pourrait rallier une part de la droite, disposée à payer au prix fort le désengagement de l’Etat. En effet, la primauté des cotisations permettrait de « dépolitiser » totalement la gestion de la Caisse en supprimant tout lien chiffré prévisible et calculable entre augmentation du personnel cotisant, rendements de la fortune et prestations de retraite. C’est le but essentiel de l’exécutif.

Assuré·e·s et locataires, même combat!

C’est pourquoi les deux projets d’initiative populaire élaborés par Christian Dandrès et Romolo Molo, avocats à l’ASLOCA, paraissent complémentaires à notre projet de loi. Si ce dernier vise à recapitaliser immédiatement la CPEG à hauteur de 1 milliard, la faisant passer au-dessus du chemin de croissance cantonal fixé par la LCPEG, ces initiatives offrent une perspective à long terme pour défendre des retraites à 60% du dernier salaire assuré (primauté des prestations), en liant toute recapitalisation nécessaire de la Caisse à une politique du logement non spéculative visant la construction de milliers d’appartements à loyers abordables.

Ces initiatives offrent une issue politique d’ensemble pour sortir de la crise du logement et de celle de la CPEG. Elles tissent un lien entre les intérêts des locataires et des assuré·e·s de la plus grosse caisse de pension du canton, qui pourrait s’incarner dans une perspective commune ASLOCA-­Cartel intersyndical ; elles permettent de recapitaliser la CPEG sans jeter des milliards sur les marchés financiers; elles justifient le vote de notre projet de loi par le Grand Conseil comme moyen de se donner le temps et la marge de manœuvre indispensables à l’adoption d’un plan retraites/logements à long terme.

Fondamentalement, cette bataille pourrait aussi être l’occasion d’un large débat sur la crise endémique du 2e pilier, fondé sur la capitalisation, en particulier dans une conjoncture marquée par de faibles taux d’intérêt à long terme. Dans le prolongement de la bataille référendaire contre le Paquet Berset (PV2020), elle permettrait de soumettre à réflexion notre projet d’intégration du 2e pilier à l’AVS, qui garantira de meilleures retraites, plus sûres et solidaires, pour tou·te·s.

Jean Batou