Venezuela

Venezuela : La droite à l'offensive

L’opposition de la bourgeoisie vénézuélienne au régime issu du processus bolivarien n’est pas nouvelle. Elle existe depuis l’élection de Chavez en 1998. Aujourd’hui, qu’elle soit pour un coup d’état contre Maduro ou pour arriver au pouvoir à travers des élections, son but reste le même: faucher tous les acquis du «chavisme».

Manifestant de l’opposition – Efecto Eco

C’est enrageant de voir les forces qui organisaient en 2002 le coup d’état contre Chavez et son enlèvement et presqu’un an plus tard un lock-out patronal de deux mois, parler en faveur de la démocratie. Les puissants qui soutiennent l’opposition et qui ont souvent leurs luxueuses résidences à Madrid où ils utilisent la presse espagnole pour inciter les « combattants de la liberté » à lancer des cocktails Molotov à Caracas, poursuivent aujourd’hui leurs efforts de 2014 quand ils avaient essayé de créer un climat de « révolte estudiantine » qui avait glorieusement échoué quand les quartiers pauvres de Caracas sont sortis en masse dans la capitale pour défendre le régime.

Cependant, s’ils se sentent de nouveaux assez forts et légitimes pour redescendre – pas eux-mêmes évidemment – dans les rues ce n’est pas parce qu’ils se sentent menacés par le gouvernement Maduro mais parce que la crise et sa gestion par le gouvernement ouvrent des failles leur permettant de blâmer le « socialisme ».

La chute du pétrole

La crise économique qu’entraine depuis 2015 la chute du prix du pétrole, représentant 95% des exportations est énorme. Il y a 5 ans, le pays semblait atteindre ses objectifs humanitaires et les buts fixés par rapport à la nutrition, l’éducation et la santé. Aujourd’hui tout s’effondre. L’inflation dépasse le 720% et la valeur du bolivar, la monnaie du pays, est en chute libre. Les conséquences sont néfastes: les files d’attente aux magasins subventionnés sont longues, la pénurie des médicaments s’intensifie, les coupures électriques se multiplient et le nombre des gens fuyant le pays croît chaque jour.

Pourtant, cette crise pétrolière, même si elle montre les limites qu’induit la dépendance à l’exploitation des ressources naturelles pour étendre le socialisme, ne vient pas des politiques de Maduro mais des antagonismes internationaux entre Arabie Saoudite et USA, de la « révolution » de l’exploitation du gaz de schiste et du ralentissement de l’économie mondiale suite à la crise de 2007. La droite lance des anathèmes contre le socialisme, les régulations des prix des biens nécessaires et les subventions pour la « déformation » économique qu’ils produisent. Mais en fait, sans ces modestes mesures, bien plus de gens seraient aujourd’hui affamés, quoiqu’on en parlerait peut-être moins. A cette crise économique s’est ajoutée en 2016 une sècheresse rendant les barrages hydroélectriques tout à fait insuffisants pour approvisionner le pays.

C’est le capitalisme qu’il faut blâmer

Même si, lorsque le prix du pétrole montait, Chavez pouvait développer des programmes sociaux pour contrer famine et analphabétisme, une grande part du pouvoir de la bourgeoisie n’a pas été touchée, tant s’en faut, elle a pu profiter des investissements encouragés par Chavez. Moins importante que le soutien populaire à Chavez, cette ouverture fut quand même un motif pour lequel les tentatives de renversement passèrent après 2002 en mode silencieux. Bien qu’une part de l’opposition de droite resta toujours fidèle au renversement du régime, une autre cherchait à faire du business et allait jusqu’à adopter le vocabulaire bolivarien.

Mais le successeur de Chavez à la tête du PSUV, Nicolas Maduro, qui arriva au pouvoir au moment de la diminution de la rente pétrolière, a été beaucoup plus généreux avec ses ouvertures envers les capitalistes et l’opposition. La solution mise en avant pour contrebalancer la diminution des rentes est la hausse des investissements. Cela signifie qu’il doit abroger la plupart des acquis du mouvement de la période précédente. Les nouvelles exploitations minières dans la jungle d’Orénoque, mettant de côté restrictions environnementales et protection des indigènes, ne sont qu’un exemple, quoique très emblématique, de ce recul.

Un moment critique

En même temps, pour se défendre, le gouvernement réduit de plus en plus les libertés démocratiques et cisaille la constitution bolivarienne de 1999. La procédure pour l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante cet été, n’a rien à voir avec celle de 1999. Pour l’instant, le monde des quartiers pauvres et populaires ne participe pas aux mobilisations de l’opposition de droite car le souvenir de ce que représente vraiment cette opposition qui prétend aujourd’hui incarner l’alternative démocratique, est encore assez fort.

Mais la popularité de Maduro n’est pas celle de Chavez. En 2013 il avait emporté les élections de justesse, avec une marge de 1,1%, contre Henrique Radonski. Aujourd’hui, même si une majorité pourrait toujours voter Maduro, les taux d’abstention seraient bien plus élevés car la base militante ouvrière du chavisme est démoralisée et démobilisée par la dégénérescence du PSUV et l’émergence d’une haute bureaucratie profitant de ses ouvertures envers le capital.

Ces dernières semaines, une centaine de personnes a été tuée par les forces de l’opposition ou de l’Etat. L’infructueux boycott de la droite montre que celle-ci reste détestée. Mais le désespoir peut être détourné. C’est pourquoi les USA menacent d’un embargo et la « communauté internationale » critique l’autarchie de Maduro. Mais leurs mesures ne feront qu’aggraver la situation de celles et ceux qui souffrent déjà.

La clé pour défendre leurs acquis, reste la mobilisation de ces gens, non pas pour sauver le régime ou pour servir la droite, mais pour imposer des solutions d’en bas en prenant le pouvoir des mains des riches mais aussi des bureaucrates.

Dimitris Daskalikis