Trump met en péril la paix mondiale

Le président Trump a annonçé le 6 décembre le transfert de l’ambassade US à Jérusalem, «capitale éternelle d’Israël» jetant ainsi une allumette dans la poudrière du Moyen Orient.


Manifestation contre la déclaration de Trump, Philadelphie, décembre 2017 – Ashley Ryan

C’est le premier président US à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël depuis la création de ce pays en 1948. L’Union européenne, les Etats arabes, la Chine, le Pape François, le dictateur russe Poutine, comme le despote turc Erdogan, tous ont critiqué la déclaration de Trump. Les Palestinien·ne·s ont protesté à Gaza et en Cisjordanie. Le Hamas a lancé des missiles sur le sud d’Israël, qui a riposté par des frappes aériennes sur Gaza. Il y a aussi eu des manifestations en Algérie, en Egypte, en Indonésie, en Iran, en Iraq, en Malaisie, au Pakistan, en Turquie et dans d’autres pays musulmans.

Alors que Trump a émis l’opinion absurde selon laquelle sa décision contribuerait aux «négociations de paix» au Moyen-Orient, il n’y a en fait pas de négociations. Les présidents US Clinton, Bush et Obama, comme d’autres politiciens républicains et démocrates, ainsi que la presse américaine, n’en finissent pas d’évoquer une solution à deux Etats. Mais les USA ont toujours accordé un soutien quasi inconditionnel au gouvernement israélien, bien qu’il continue à violer les accords des Nations Unies et à s’emparer de terres, d’eau et de routes palestiniennes, découpant leur territoire de manière à le rendre non viable en tant qu’Etat de quelque espèce que ce soit.

Choquant, mais pas surprenant

Le Jerusalem Embassy Act, loi US de 1995, demandait que l’ambassade soit transférée au plus tard en 1999, mais les présidents successifs n’ont pas appliqué cette décision. La déclaration de Trump est donc choquante mais pas surprenante. Elle est la suite logique de décennies de soutien diplomatique, financier et militaire à Israël et de l’obstruction constante de l’exercice du droit à l’auto-détermination des Palestinien·ne·s.

Des démocrates s’enorgueillissent d’avoir conduit la résistance à Trump mais ne se sont pas opposés à lui sur le sujet. La cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est bornée à émettre une critique modérée de la déclaration de Trump. Et leur chef de groupe au Sénat, Chuck Schumer, n’a pas seulement soutenu la déclaration de Trump, mais encore affirmé que l’idée venait de lui.

Pourquoi Trump a-t-il franchi ce pas contrairement à ses prédécesseurs

Les motifs sont multiples. En premier vient le poids des inconditionnels de la politique de colonisation israélienne, qui défendent non seulement l’Etat d’Israël de 1948, mais aussi le grand Israël de la guerre de 1967. Le soutien militaire US à cette politique est beaucoup plus important que celui accordé à tout autre Etat. Le gouvernement Trump et Israël viennent de signer un accord militaire portant sur 38 milliards de dollars sur une décennie, soit une hausse de 27 % par rapport à celui signé en 2007.

Le beau-fils de Trump, Jared Kushner, conseiller à la Maison Blanche, son avocat David Friedman, qui a été nommé ambassadeur en Israël, l’un de ses principaux soutiens financiers Sheldon Adelson, tous sont des supporters d’Israël et de ses colonies illégales.

Viennent ensuite les chrétiens évangélistes, qui représentent une part importante des appuis de Trump. Presque tous croient que Dieu a donné Israël aux Juifs et que l’Israël biblique est l’Etat d’Israël actuel. Beaucoup croient que l’existence d’Israël est nécessaire au retour du Christ. Avec son déménagement d’ambassade, Trump a consolidé sa base évangéliste blanche.

Coup dur électoral pour Trump et sa bande

Troisièmement, l’annonce de Trump est tombée au moment d’une élection cruciale au Sénat dans l’Alabama, destinée à remplacer Jeff Sessions, devenu procureur général de Trump. Le candidat républicain Roy Moore a bâti une réputation comme juge chrétien conservateur. Il a placardé les Dix commandements dans sa salle d’audience, emmène les jurys dans des prières chrétiennes et s’oppose tant à l’avortement qu’aux mariages gays. Il a aussi affirmé que les musulman·ne·s ne devaient pas être autorisés à se présenter aux élections au Congrès.

Durant sa campagne, cet homme pieux a essuyé des accusations d’agressions sexuelles sur trois femmes, dont une mineure, alors qu’il était trentenaire. Craignant la perte du siège au Sénat, Trump a fait campagne pour Moore. C’est dans ce contexte qu’a pris place la déclaration sur Jérusalem. Mais bien qu’il ait fait le plein des voix évangélistes blanches, Moore a été battu par le démocrate Doug Jones, un coup d’assommoir pour Trump et le parti républicain.

Cependant, si Trump soutient Israël, le soutien à Israël aux USA est déclinant. Nombre de jeunes Juifs étasuniens ont rompu avec le sionisme. Simultanément la communauté palestinienne et les communautés arabo-américaines sont devenues plus actives. Des Palestinien·ne·s, Juif·ve·s et d’autres Etasunien·ne·s ont organisé la campagne BDS de boycott, de désinvestissement et de sanctions sur les campus et dans les communautés à travers le pays. Attaqués par Trump, les Palestinien·ne·s bénéficient d’un réel soutien d’activistes étasuniens.

Dan La Botz