Intérêts des actionnaires des banques: l'UDC les veut dans la constitution

Intérêts des actionnaires des banques: l´UDC les veut dans la constitution

Le Conseil national a voté ce 2 décembre à une très large majorité de droite en faveur de l’initiative parlementaire de l’UDC visant à inscrire le secret bancaire dans la Constitution helvétique. Ceci au nom de la «protection de la sphère privée»! Notre camarade Pierre Vanek a déposé une proposition de refus de cette initiative sur le fond, reflétant notre rejet clair du secret bancaire et non pas simplement l’inopportunité de l’inscrire aujourd’hui dans la Constitution, dans le contexte des négociations avec l’UE. Cet position a été cosignée par ses deux collègues du groupe «A gauche toute!» Marianne Huguenin et Joseph Zysiadis. Nous publions ci dessous son argumentaire… (réd)


Le secret bancaire, en Suisse comme ailleurs, n’a qu’une seule fonction: protéger la fraude fiscale. Or, la fraude fiscale, comme le Conseiller fédéral Kaspar Villiger l’a reconnu lui-même, n’est rien d’autre «qu’un vol pur et simple» (Le Temps, 4 avril 2001). Il s’agit d’un vol commis par les couches sociales auxquelles de multiples possibilités de frauder sont réservées – les actionnaires et les indépendants – au détriment des couches qui n’ont aucun moyen d’échapper au fisc: celles et ceux qui reçoivent une attestation de salaire, soit l’immense majorité de la population. L’ampleur du vol est gigantesque: chaque année, ce sont probablement au moins 5 milliards de francs que les riches vivant en Suisse ne paient pas à la Confédération ou aux cantons. Mais cette formidable escroquerie ne s’exerce pas seulement aux dépens des salarié-e-s résidant en Suisse. Grâce au secret bancaire, les établissements financiers helvétiques sont devenus les principaux receleurs de la fraude fiscale au niveau mondial, à quoi s’ajoutent encore les énormes montants d’argent sale. On peut estimer la perte de recettes fiscales qui en résulte pour les seuls pays pauvres à une somme de l’ordre de 10 milliards de francs par année, soit plus de 8 fois ce que la Confédération dépense pour l’aide au développement.


Les défenseurs du secret bancaire justifient leur proposition d’ancrer celui-ci dans la Constitution helvétique par la nécessité de protéger la sphère privée. Le mensonge est grossier. La suppression du secret bancaire ne menacerait en rien la sphère privée de quiconque, et cela pour une raison très simple: les employé-e-s du fisc sont tenus de respecter strictement le secret de fonction. En outre, les mêmes partis et milieux qui se font soudain les hérauts de la sphère privée ont soutenu pendant des décennies et soutiennent encore la surveillance et le fichage systématique de dizaines de milliers de citoyens et plaident aujourd’hui pour un renforcement de ce contrôle, par la télésurveillance notamment.


Les champions du secret bancaire font aussi croire que celui-ci serait nécessaire pour la prospérité et l’emploi en Suisse. Cela justifie-t-il tous les comportements? Voulons-nous des emplois liés à des activités de vol et de recel commis sur le dos des plus pauvres de la planète? Ensuite, cet argument constitue une tromperie. Le secret bancaire détruit plus d’emplois qu’il n’en crée et érode les conditions de vie des salariéEs. Parce qu’elle prive les collectivités publiques de milliards de francs de recettes, la fraude fiscale encourage en effet les brutales politiques d’austérité, lesquelles suppriment des milliers d’emplois chaque année et rongent les dépenses sociales. En outre, les grandes banques suisses – plusieurs études récentes l’ont montré – se tournent toujours plus vers les opérations de gestion de fortune, c’est-à-dire à l’administration des montants fraudés. Cela signifie qu’elles accordent de moins en moins de crédits, et à des taux toujours plus élevés, aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux agriculteurs. A-t-on une fois calculé combien de milliers d’emplois une telle politique coûte?


Que l’UDC, la majorité des Partis bourgeois et les milieux bancaires parviennent à convaincre – à coups de millions en dépenses publicitaires – une partie importante de la population suisse des soit-disant mérites du secret bancaire ne change rien aux faits qui viennent d’être énumérés. En prônant l’inscription du secret bancaire dans la Constitution, l’UDC et les député-e-s qui la soutiennent se font les défenseurs d’une gigantesque escroquerie, qui se verrait ainsi conférer, probablement pour la première fois au monde, le rang de vertu étatique suprême. L’UDC et les députés bourgeois qui appuient ce projet pourraient au moins avoir de le courage de proposer, à la face du monde, de supprimer tous les article de la Constitution et de n’en conserver qu’un seul: «Désormais, la prospérité des actionnaires bancaires suisses représentent le fondement et le bien suprême de la Confédération helvétique».


Pierre VANEK