Quelle réponse radicale au référendum contre le mariage pour toutes et tous ?

Avec plus de 59 000 paraphes, le référendum contre le mariage pour toutes et tous a passé la rampe de la récolte de signatures. Quelles sont les perspectives queer par rapport tant aux arguments pour que contre ?

Stand de l'UDF contre le mariage pour tous
L’Union démocratique fédérale est le fer de lance du comité référendaire

Menée par les franges les plus réactionnaires de la politique Suisse (UDF, UDC, etc.), cette campagne de votation s’annonce douloureuse et dégueulasse. Bien que l’on soit presque certain·x·e·s de l’issue – le comité pour le oui invoque plus de 82 % de la population Suisse soutenant le mariage pour toutes et tous – il est frustrant de devoir déployer des forces militantes dans un tel contexte. En effet, entre les argumentations molles du camp du oui qui ne font qu’accélérer l’intégration des personnes queer au modèle dominant et les immondices homophobes et réactionnaires de l’autre camp, comment pouvons-nous, militant·e·x·s de gauche, faire entendre un projet queer et révolutionnaire ?

Les arguments pour le non

Les arguments référendaires sont séparés en deux parties. L’une met en avant le non-respect de l’État de droit étant donné que l’acceptation du mariage devrait passer que par un changement de loi et non pas un changement constitutionnel. Venant de partis qui n’hésitent pas, par ailleurs, à se jouer de la « démocratie » suisse, cet argument formaliste ne tient pas la route. Le culot et l’ironie sont les maîtres-mots d’une argumentation visant à détourner le débat de la vraie question de société posée par le mariage pour toutes et tous : la destruction (très partielle) de la complémentarité homme-femme dans la loi Suisse.

La deuxième partie de l’argumentaire invente des camps et des inimitiés là où il n’a pas lieu d’en avoir. Le comité référendaire instrumentalise l’inégalité de traitement des lesbiennes et des gays dans la loi, les premières ayant droit à la procréation médicalement assistée (PMA) alors que les deuxièmes n’y ont pas accès. Il tente ainsi d’opposer gays et lesbiennes. Or, dans les faits, le comité s’oppose frontalement au projet de gestation pour autrui (GPA), dénoncé comme prochaine étape du « lobby LGBT ». C’est une diversion supplémentaire dont on sait très bien qu’elle mobilisera environ vingt minutes dans un futur Infrarouge à la RTS, et légitimera une prétendue hostilité intra-communautaire.

Un oui qui ne va pas assez loin

Pour autant, cette loi n’apporte pas ce qu’on était en droit d’espérer de l’ouverture du mariage pour tous·x·tes en Suisse après tant d’années. En effet, loin d’être simplement un « dégenrage » des articles du droit sur le mariage, cette loi n’est rien de plus qu’un patchwork frankensteinien. Plutôt que d’utiliser des formulations ouvertes, la future loi vise surtout à protéger la binarité de genre en ouvrant la possibilité à des couples de même sexe de se marier et aux couples de femmes d’accéder à la PMA à coup d’addendum successifs. Cette dernière n’est par ailleurs acceptée que dans le cadre de centres médicalisés suisses, pratique très coûteuse. 

Il ne faudrait donc surtout pas remettre en cause l’ordre genré de notre société, quitte à rajouter les personnes lesbiennes et gaies dans des paragraphes supplémentaires plutôt que de penser une loi universelle. Ainsi les personnes trans et/ou non-binaires n’existent tout simplement pas aux yeux de la loi, et les catégories homme/femme et leur complémentarité ne sont pas vraiment remises en cause.

Or quelle est la réponse du comité pour le oui aux problèmes de cette loi ? Se cacher derrière une rhétorique unique et simple de l’amour. Pire, ielles utilisent déjà certaines limites de la loi comme arguments pour le oui, notamment les limitations autour de la PMA en expliquant que tous les enfants ont droit de connaître l’identité de leur donneur. Cet argument sous-­entend aussi que c’est une bonne chose que les PMA ne soient possibles que dans des centres suisses.

L’utilisation d’un discours consensuel autour de l’amour pour se faire entendre est compréhensible. Mais ce même discours avance d’un pas pour reculer de deux. Une vraie politique queer devrait viser la destruction de l’ordre patriarcal, de l’utilisation de l’amour et de la famille comme force reproductive du capitalisme. Au final, une campagne pour le mariage ne peut déboucher sur un futur réellement queer. De plus, elle montre bien les intérêts de classe en jeu. C’est un fait : une majorité des faîtières LGBT – du moins celles qui ont de l’argent – défendent un assimilationnisme crasse plutôt que la transformation de la société. C’est potentiellement une des raisons du sur-place théorique et activiste LGBT en Suisse (le contraste avec les organisations féministes est saisissant). En effet, personne dans ces cercles n’a d’intérêt réel pour un vrai changement. 

C’est donc à nous, militant·x·es queer, de proposer une vraie alternative radicale et de frayer un chemin hors de ces discours.

Sébastien Zürcher