Après six ans de tournée, Joan Baez retourne en studio

Après six ans de tournée, Joan Baez retourne en studio

Coffret A&M Recordings

Après plus de dix années passées chez Vanguard, Joan Baez rejoint la maison de disque A&M Recordings, chez qui elle restera de 1972 à 1976. Quatre années durant lesquelles elle a produit 5 albums studios et un live, dont Come from the shadows en 1972, probablement l’album le plus ouvertement politique de Joan Baez. Il y est question de la guerre, de la répression et de la prison, des droits syndicaux et de la solidarité internationale. Gracias a la Vida (1974), enregistré intégralement en espagnol à la mémoire d’Allende et Diamonds and Rust (1975), album «non politique» celui-là, font incontestablement partie de ses meilleurs disques. L’intégrale de la période de Joan Baez chez A&M, ainsi que quelques inédits, vient de paraître dans un coffret bien documenté. L’occasion de redécouvrire des mélodies souvent quelque peu délaissées, depuis que le bon vieux tourne-disque a trouvé sa place au grenier…

(eg)

Joan Baez, The Complete A&M recordings, Universal.

Play Me Backwards, sorti en 1992, avait ramené Joan Baez au devant de la scène. En 1997, elle confirmait avec Gone from Danger, qu’il était un peu tôt pour la ranger dans les archives de la folk protestataire des années 60… Depuis, pas grand chose de neuf, mais des concerts les uns après les autres autour du monde. Aujourd’hui, l’artiste engagée dans le mouvement anti-guerre, vient de sortir son 32ème album en 45 années de carrière, sans compter les innombrables compilations. Dark Chords On A Big Guitar est tout simplement époustouflant.

Est-il vraiment besoin de présenter Joan Baez? Celle qui prit un certain Bob Dylan sous son aile à la grande époque du Greewich Village, pour ensuite interpréter bon nombre de ses chansons, celle qui s’engagea aux côtés de Pete Seeger contre la guerre du Vietnam et pour les droits civiques, celle qui n’a eu de cesse de défendre un féminisme exigeant mais non dénué de douceur, n’est de loin pas une inconnue. Tout au plus, certains seront surpris de la savoir toujours présente et active, tant artistiquement que politiquement.

C’est en 1959, au Newport Folk Festival que la carrière de cette Irlando-Mexicaine commence. Résolument folk, Joan Baez ne tarde pas à devenir la figure la plus lumineuse du milieu. Mariée à David Harris, militant pacifiste, elle est de toutes les luttes, de toutes les manifestations. Et si son style musical va varier, s’approchant parfois de la country, puis flirtant avec la pop, ses convictions demeurent inébranlables durant ses 40 ans de carrière. En 1971, alors qu’elle est présente à Canne pour la présentation du film «Sacco et Vanzetti», dont elle chante quelque morceaux de la bande originale, dont l’émouvant «Here’s to you», elle donne deux concerts de soutien aux objecteurs de conscience espagnols. En 1972, l’année où sort Come from the Shadows, elle passe Noël à Hanoï. Son dégoût des horreurs de la guerre l’amène à apporter son soutien aux défenseurs des opprimés de Bosnie et, dernièrement, à s’engager dans la lutte contre la guerre en Irak.

En 1995, son album live Ring Them Bells, sur lequel elle chante en duo avec des artistes féministes engagées, comme le duo Indigo Girls connu pour ses prises de positions solidaires de la communauté lesbienne, est un vrai chef d’oeuvre, confirmant son retour – initié en 1992 par Don’t Play Me Backwards – à un folk musclé par une orchestration rock.

Six ans après Gone from Danger, Joan Baez effectue, avec Dark Chords on a Big Guitar, un retour remarquable. Sa voix évolue moins dans les aigus, mais reste impressionnante, rappelant que le chant n’est pas donné à tout le monde…

Elle reprend des chansons empruntées à la crème des auteurs compositeurs US du moment. On trouve sur ce dernier opus des versions monumentales comme «Motherland» de Natalie Merchant, «In my time of need» de Ryan Adams, «Sleeper» de Greg Brown ou l’extraordinaire texte engagé «Christmas in Washington» de Steve Earle. A noter aussi la reprise de «Wings» du songwriter US Josh Ritter, récemment en tournée européenne. Avec ce 32ème album studio, Joan Baez rappelle qu’elle est toujours présente et qu’elle n’est pas prête à passer sous silence ses préoccupations sociales et politiques, en des temps où l’administration Bush rend l’engagement de chacune et de chacun, jour après jour plus précieux et nécessaire.

Erik GROBET

Joan Baez, Dark Chords on a Big Guitar, Sanctuary / BGM