États-Unis

Attaques incessantes contre les droits reproductifs

Après avoir renversé, il y a deux ans, l’arrêt Roe vs. Wade qui assurait la protection fédérale du droit à l’avortement, puis réduit voir éradiqué ce droit dans plusieurs États, la droite états-unienne préconise aujourd’hui l’interdiction des pilules contraceptives. 

Manifestation contre la décision de la Cour suprême de l'Arizona contre le droit à l'avortement
Rassemblement de protestation à l’annonce de la décision de la Cour suprême de l’Arizona, Phoenix, 15 avril 2024

Les arguments idéologiques de la droite contre la pilule, comme ceux contre l’avortement, sont formulés en termes de défense de la famille et des femmes elles-mêmes. La très conservatrice Heritage Foundation déclare que «…les conservateurs doivent montrer la voie en redonnant à la sexualité sa véritable raison d’être et en mettant fin à la sexualité récréative et à l’utilisation insensée de la pilule contraceptive».

Charles Rufo, militant de droite, affirme que «la pilule cause des problèmes de santé à de nombreuses femmes. Le ‹sexe récréatif› explique en grande partie pourquoi nous avons tant de familles monoparentales, ce qui favorise la pauvreté, la criminalité et les dysfonctionnements. Le but du sexe est de créer des enfants – c’est naturel, normal et bon».

Une commentatrice du même bord politique, s’exprimant sur X, suggère que la pilule contraceptive a souvent causé aux femmes de graves problèmes psychologiques et conduit à des relations sexuelles récréatives souvent «sans amour et dégradantes». Elle affirme qu’il devrait y avoir «un mouvement féministe pour réensauvager le sexe et lui rendre son danger, son intimité et ses conséquences». De cette façon, dit-elle, les femmes peuvent «renouer avec la plénitude de notre nature incarnée». 1 Les politicien·nexs républicain·exs ont repris ces arguments et certain·exs proposent de restreindre ou d’interdire la pilule.

La pilule libère

La plupart des personnes concernées ne vont probablement pas adhérer à ces arguments. La pilule a été largement utilisée depuis 1960 comme principale méthode contraceptive. La pilule n’est pas la meilleure forme de contraception pour toutexs, et il existe différentes alternatives pour celleux qui souffrent d’effets indésirables ou ne souhaitent pas se tourner vers une méthode hormonale. Pour autant, d’avantage que la seule «révolution sexuelle» dont elle serait un symbole, elle représente un acquis historique de la lutte féministe pour le droit à disposer librement de son corps et à prendre le contrôle sur sa propre vie.  

La pilule a permis à celleux qui l’utilisent, qu’elleux soient célibataires ou mariéex, de planifier leur carrière et leur famille et, oui, d’avoir des relations sexuelles pour le plaisir quand elleux le souhaitaient. Les femmes de la classe ouvrière et les femmes pauvres par exemple n’ont plus eu à avoir des enfants qu’elles ne pouvaient pas prendre en charge, ou des enfants si nombreux qu’elles étaient submergées par le travail domestique et mentalement épuisées. 

Un récent sondage national réalisé par Americans for Contraception a révélé que 80% des élec­teu­ric·exs ont déclaré que la protection de l’accès à la contra­ception était «très importante» pour elleux, et que même parmi les républicain·exs, 72% avaient un avis favorable sur le contrôle des naissances. Pourtant, les politicien·nexs républicain·exs tenteront probablement de restreindre l’accès aux pilules contraceptives. 

En mars, dans l’État de l’Arizona, les Démocrates ont présenté un projet de loi visant à protéger l’accès à toutes les formes de contrôle des naissances, rejeté par le Parti républicain. Les militant·exs féministexs et leurs alliéxs devront rester sur leurs gardes face à ces nouvelles atteintes au droit à disposer librement de son corps.

Dan La Botz
Publié initialement sur le site International Viewpoint. Traduction: L’Anticapitaliste, adapté par la rédaction

Contradictions démocrates

La Cour suprême de l’Arizona, composée de sept membres nommé·es par le parti Républicain, a statué le 9 avril que la loi de 1864 interdisant tous les avortements, à l’exception de ceux pratiqués pour sauver la vie de la mère, était à nouveau une loi de l’État. Cette loi a été adoptée avant que l’Arizona ne devienne un État et que les femmes n’y obtiennent le droit de vote, ce qui s’est produit en 1912. La loi de 1864, qui ne contient aucune disposition relative à l’avortement en cas de viol ou d’inceste, était restée en suspens jusqu’à ce que la Cour suprême ne renverse Roe v. Wade en 2022.

Les attaques des politicien·nexs républicain·exs contre les droits reproductifs, menées par la base chrétienne évangélique blanche du parti, ont entraîné une forte réaction politique de la part des Démocrates, des électeur·icexs indépendant·exs et même de certain·exs républicain·exs. 

Au cours des trois dernières années, dans sept États politiquement variés, les électeur·icexs ont soit voté en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la législation de l’État, soit rejeté les tentatives visant à le pénaliser. 

Les attaques incessantes des Républicains contre le droit à l’avortement inciteront davantage d’électeur·icexs à soutenir Joe Biden lors des prochaines élections présidentielles. Toutefois, la contradiction entre la politique progressiste des Démocrates en matière d’avortement et leur politique étrangère réactionnaire et impérialiste pourrait conduire à la défaite de Biden.

Dan La Botz  Extrait d’un article paru sur International Viewpoint

1 Elle relaie par la même occasion une rhétorique essentialisante, réactionnaire et transphobe sur l’existence d’une supposée «nature féminine»… Rappelons ici que les femmes cis-genres ne sont pas les seules, loin s’en faut, à utiliser la pilule ou d’autres méthodes contraceptives (ndlr).