Campagne Masset

Des centaines de personnes dans la rue pour se réapproprier un parc


Près de 300 personnes se sont mobilisées dans un quartier de la rive droite de Genève samedi 11 janvier, pour réclamer l’ouverture d’un parc public jusqu’ici propriété privée clôturée.

Rassemblement de riverain·es et de personnalités autour de la villa de Zep, Genève, 11 janvier 2025
Rassemblement de riverain·es et de personnalités autour de la villa de Zep, Genève, 11 janvier 2025
Thibault Schneeberger

 À l’intersection des quartiers de la Concorde, de St-Jean et des Charmilles, un collectif composé d’habitant·es et d’associations de quartier s’est constitué en défense de la décision de la Ville de Genève d’acquérir le domaine de la Campagne Masset, actuellement propriété du dessinateur Zep.

En novembre dernier, le Conseil municipal avait voté l’achat de ce domaine pour 21,5 millions. Flairant le coup politique à quelques mois des élections municipales, la droite (le Centre, les Verts-libéraux, le PLR et l’UDC) a lancé un référendum, sans réussir pour autant à fournir un argument valable contre cet achat. Malheureusement, l’aboutissement même de ce référendum met en péril l’occasion d’ajouter un parc public dans ce quartier qui en a furieusement besoin, car Zep ne peut attendre pour vendre son terrain.

Quartier densifié ?
Un parc pour respirer !

Samedi 11 janvier, la mobilisation qui a rassemblé des centaines de riverain·es et de personnalités, organisée par le collectif de soutien, a été l’occasion de rappeler que ce secteur en pleine densification connaîtra d’ici quelques années un quasi-triplement de sa population par rapport à 2015. Inversement, les espaces verts dans ce quartier sont rares, petits et déjà saturés.

Ainsi, le vaste terrain de 34 000 m2 de la Campagne Masset ouvre la possibilité d’ajouter un parc public dans l’un des quartiers les plus denses de la Ville de Genève, localité la plus dense de Suisse (trois fois plus dense que Zurich, deux fois plus que Bâle). Incluant une maison de maître du 18e siècle, le parc est entouré de plusieurs immeubles d’habitation, d’écoles et d’une résidence pour personnes âgées. L’ouvrir au public permettrait aussi aux promeneur·ses un accès facilité aux berges du Rhône depuis l’avenue d’Aïre, car le parc débouche directement sur le sentier qui permet de déambuler jusqu’à la Jonction et qui vient justement d’être rénové.

Rappelons que la rive droite de la Ville est particulièrement pauvre en parcs publics ; ce qui ne semble pas poser problème à la droite. Celle-ci estime les dépenses pour racheter le domaine « superflues »

Se réapproprier les communs

Au cours de la déambulation, Erica Deuber Ziegler, membre d’Action Patrimoine Vivant, a souligné que, jusqu’au 18e siècle, Genève était entourée de terres communes. Ces espaces ont progressivement été privatisés et transformés en grands domaines privés. À l’orée du 20e siècle, la Ville étouffe sous la densification. Ses dirigeants se lancent alors dans la réappropriation des grands domaines qui existent encore (ainsi, par exemple, le domaine des Eaux-Vives retourne à la collectivité). Ceux-ci sont offerts ou acquis par la Ville et transformés en parcs, au bénéfice de la population.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, presque aucun nouvel espace vert n’a été créé à Genève: les seuls parcs créés pour les riverain·es sont de petite taille (Baud-Bovy près d’Uni Mail, Gourgas, Acacias, etc.). La Campagne Masset représente une exception dans cette configuration, tout comme le domaine de Cayla situé à proximité. 

Depuis les années 1980, deux tentatives de démocratisation de l’espace de la Campagne Masset, portées par des associations de quartier, ont déjà échoué. Aujourd’hui, les habitant·es reprennent le flambeau, après que la majorité de droite du Conseil d’État ait refusé en 2023 de racheter le domaine et que la majorité de gauche du municipal ait sauvé les meubles. Une nouvelle étape du combat se joue donc, qui porte les ferments d’un clivage entre classes aisées, peu affectées par le manque d’aménagements publics et d’espaces verts, et classes populaires, coincées dans des quartiers qui se surdensifient, qui surchauffent en été et à qui l’on propose trop peu d’espaces de vie extérieurs, boisés, en contact avec la nature.

Pour la transition sociale
et écologique

Le domaine, aujourd’hui fermé par un portail et un grillage, a tous les atouts pour devenir un parc public de grande qualité, garantissant, dans un quartier qui en aura bien besoin, un bel espace de biodiversité et de nature, idéal pour la promenade. Pour y arriver, la maîtrise foncière publique de ce domaine est indispensable, afin de permettre une politique d’aménagement du territoire qui réponde réellement aux besoins sociaux et à la nécessaire transition écologique. 

Aude Martenot