GE-Pilote: «New Public Management», néolibéralisme… à l’état Brutsch

GE-Pilote: «New Public Management», néolibéralisme… à l’état Brutsch

L’une des revendications du mouvement de la fonction publique est le retrait immédiat du projet de New public Management (NPM) reagano-thatchéro-blairiste initié par le Conseil d’Etat sous le label de «GE-Pilote – Projet pour un pilotage efficient de l’action publique» que celui-ci soumet au Grand Conseil du 13 mai.

Ce projet prend ses racines dans l’«Audit de l’Etat» réalisé, par Arthur Andersen à grand frais pour la collectivité en 1996, et dans les expériences sans lendemain du NPM entre 1997 et 2000 à Genève, enterrées sous la majorité «Alternative» de la dernière législature. Enveloppes budgétaires par service, contrats de prestation, indicateurs de performance prétendument objectifs, contrôle démocratique sapé, préparation aux privatisations, flexibilisation de la gestion des «ressources humaines», c’est le grand retour du jargon et des sacro-saintes «méthodes du privé», remis en selle à nouveau, contre les valeurs du service public.

Mais, cette fois-ci, dans l’exposé des motifs de sa résolution à ce sujet, le gouvernement se vante de pouvoir «faire l’économie d’une phase expérimentale pour adapter à ses propres besoins les modalités réalisées ailleurs, que la situation des finances publiques rend impérative et urgente en vue d’un assainissement durable.» Bel aveu qu’il s’agit bien de se doter d’un nouvel instrument au service de la droite, pour qui «assainir» les finances rime avec démanteler les recettes et les prestations de l’Etat. Celle-ci l’a d’ailleurs si bien compris qu’elle exige aujourd’hui la mise en œuvre accélérée du projet, par rapport au calendrier prévu par le gouvernement.

Ce qui n’empêche pas le Conseil d’Etat, dans sa présentation du projet sur Internet, d’avoir le culot d’annoncer que: «Ce projet ambitieux s’étendra sur plusieurs législatures, il représente la garantie de solutions durables reposant sur un consensus politique et social…» Pour le consensus, c’est mal parti!

Gurten Salat

Mais aujourd’hui, foin de consultants anglo-saxons, c’est à François Brutsch, ex-haut fonctionnaire, issu des rangs du PS et qui s’est lui-même «autonomisé» en se muant en «consultant» privé, que le Conseil d’Etat a confié le mandat de «faire le point sur les réflexions déjà menées et d’en tirer les éléments d’une action à grande portée pour l’Etat de Genève».

Partisan de la «troisième voie» blairiste, assistant zélé de Gérard Ramseyer à l’époque du «gouvernement monocolore» quand celui-ci tentait de mettre en œuvre la «privatisation-pilote» du Service des autos préparée par le «socialiste» Bernard Ziegler et que nous avons étouffée dans l’œuf par référendum en 1994. Adepte du Manifeste du Gurten pour une social-démocratie encore plus néolibérale, partisan des «réformes» privatisantes du conseiller fédéral PS Leuenberger, dont on voit les effets au quotidien sur la Poste, François Brutsch a pourtant un grand mérite: il ne cache pas ses opinions politiques. On les retrouve sur son site web perso (http://www.perso.ch/fbrutsch/) et elles éclairent son point de vue, peut-être plus que les dizaines de pages de son «rapport» sur GE-Pilote.

Passons sur son soutien à la guerre américaine en Irak, daté du 13 mars de l’an dernier, une semaine avant que les bombes US ne se mettent à tomber sur les civils irakiens, au nom de la défense – contre le terrorisme et contre son «allié objectif» irakien – des «sociétés qui ont en commun, à des degrés divers, une économie de marché et une organisation démocratique». Venons en à ses écrits, à la veille des dernières élections genevoises, qui ont mis en selle la majorité de droite actuelle au parlement, ainsi que le Conseil d’Etat qui l’a promu au rang de gourou de sa réforme néolibérale.

L’UDC catalyseur des «réformes nécessaires»?

On y trouve deux articles datés du 28 septembre 2001. Dans le premier, François Brutsch appelle de ses vœux la perte de majorité de la gauche et des Verts au Grand Conseil, au profit d’une Entente bourgeoise (Libéraux, radicaux, PDC) qui ne serait pas majoritaire… grâce «au nouveau parti qui s’annonce: la section genevoise de l’UDC de Christoph Blocher»! C’était là sa recette pour un gouvernement qui puisse «retrouver la légitimité et l’autorité d’engager des réformes nécessaires»!

Signalons au passage que l’UDC genevoise partage avec François Brutsch un goût pour les réformes institutionnelles… décoiffantes. Avec le banquier Benedict Hentsch notamment, ce dernier faisait partie des partisans de feue l’initiative pour la Fusion Vaud-Genève. L’UDC, quant à elle, vient de déposer un projet de loi où, en cinq articles d’une ligne chacun, elle supprime… la Ville de Genève, toute l’administration communale (belle économie!)… et, au passage, le droit de vote communal pour les habitant-e-s de cette municipalité, qui présentent l’inconvénient manifeste de voter à gauche!

Pour en revenir à son deuxième article pré-électoral, François Brutsch, au chapitre des réformes nécessaires et sous le titre «Un patron pour l’administration», imagine de «donner ce rôle au Chancelier d’Etat, en lui rattachant un office du personnel, une inspection cantonale des finances et un service de contrôle de gestion qui soient réellement à même de jouer leur rôle, sans interférence.» Là aussi, on s’en souvient, le magistrat non-élu qu’est le Chancelier actuel, Robert Hensler, a connu récemment quelques «interférences» citoyennes, syndicales et salutaires… visant à remettre en cause une conception de la gestion de l’Etat tendant à brouiller la distinction entre ce qui est public et ce qui est privé…

Pierre VANEK