Explosion des dépenses militaires: un milliard volé au social!

Explosion des dépenses militaires: un milliard volé au social!

Lors de la session d’automne du Conseil national, celui-ci a voté le programme d’armement 2005. Seule anicroche, l’achat de nouveaux hélicos militaires à hauteur de 310 millions a été reporté au motif que la procédure de choix des appareils Eurocopter avait été bâclée… Aucun doute que ce volet du programme sera rétabli sous peu. Par contre, la reprise du commerce de matériel militaire avec l’Etat d’Israël, mis en veilleuse depuis 3 ans, a passé la rampe. Un crédit de près de 400 millions a en effet été voté pour un système dit IFASS qui «sert à capter, compiler, trier, analyser et, si nécessaire, perturber les rayonnements électromagnétiques de systèmes radio.» Comme l’explique le Conseil fédéral, ce système répond aux nouvelles missions de l’armée «le soutien subsidiaire des autorités civiles», et les «engagements de promotion de la paix» à l’étranger. En clair, on renforce l’armée dans sa vocation répressive intérieure et la prépare comme force d’appoint pour les expéditions militaires extérieures que pourrait nécessiter l’alignement helvétique croissant sur les USA. Sur les 400 millions de l’IFASS, 150 millions de commandes iront aux industries d’armements israéliennes, dont l’expertise serait «irremplaçable» en la matière. Nous reproduisons ci-dessous l’intervention de notre conseiller national Pierre Vanek, dans le débat d’entrée en matière. (red.)

Je n’irai pas par quatre chemins. Contrairement à ce qu’a dit une des oratrices socialistes précédente qui prétendait que ce menu était «comestible», ce menu de plus d’un milliard de francs, dépensé pour de l’armement, reste en travers de la gorge des élu-e-s de notre groupe «A gauche toute!»

Il y a des besoins sociaux urgents dans ce pays, en matière de logement, d’enseignement, de sécurité sociale, de retraites, d’aide et de soutien aux chômeurs-euses, de création d’emplois… Tous ces objectifs sont infiniment plus légitimes que de dépenser plus d’un milliard de francs pour de l’armement.

Nous soutiendrons bien sûr toutes les propositions de renvoi, de non-entrée en matière, de division, de rabotage et de diminution de ce programme d’armement, telles que présentés par les Verts ou les socialistes…

Mais je répondrai aussi franchement à la question de Monsieur Eggly qui trouve qu’un moratoire sur les dépenses militaires coûterait «trop cher» et qui a interpellé une autre de mes préopinantes du groupe des Verts en lui demandant, pour chercher à l’embarrasser: « Est-ce que ce ne serait pas mieux de dire qu’il faut maintenant tout arrêter et supprimer l’armée? Est-ce que ce ne serait pas plus franc et plus loyal? »

Je le dis clairement au nom de notre groupe: OUI, bien sûr que nous sommes pour l’abolition de cette armée, qui ne sert à rien, qui représente un gâchis en termes d’investissements, de richesses sociales, inadmissible et scandaleux aujourd’hui. Vous connaissez notre discours, vous connaissez notre position sur cette question. J’ai peu de temps pour intervenir, donc je ne développerai pas ce point qui devrait être évident pour chacune et chacun.

Vous savez que c’est une position démocratique. Je l’ai déjà dit à une autre occasion, on devrait soumettre à nos concitoyennes et à nos concitoyens cette même question qui est posée à notre conseil aujourd’hui: doit-on entrer en matière sur le fait de dépenser plus d’un milliard de francs pour des hélicoptères, des chars, des casques à boulons et Dieu sait quelle autre quincaillerie militariste, plutôt que pour des objectifs sociaux tels que ceux que j’ai évoqués. Pourquoi pas par exemple pour la formation? Nous avons débattu ce matin d’un article constitutionnel sur l’éducation et chacun-e a juré ses grands dieux que c’était une tâche vitale d’importance nationale: la cohérence, ne serait-ce d’investir dans ce domaine, que tous ont présenté comme essentiel, plutôt que dans des appareils à tuer et qui ne servent la paix en aucune manière.

Quel est le pays le plus armé du monde? Ce sont les Etats-Unis d’Amérique. Quel est le pays le plus belliqueux, qui déclenche le plus de guerres en foulant aux pieds la Charte des Nations Unies? Ce sont les Etats-Unis d’Amérique. La démonstration est faite, et cela me permet d’assurer la transition avec un point politique concret d’une extrême gravité.

C’est la question de la relance d’achats de matériel militaire en provenance de l’Etat d’Israël. Le président de la Commission de politique de la sécurité a prétendu – pour banaliser cette transaction – que « Tout cela n’implique pas de porter un jugement sur la politique israélienne. »

Et bien, il a eu raison de dire que ce n’était pas à nous, en l’occurrence, de porter un jugement sur la politique israélienne. Par rapport à la construction de ce mur de la honte en Israël, de ce mur de l’Apartheid, de ce mur qui matérialise une colonisation illégale, la Cour internationale de justice a en effet, elle-même, déjà porté un jugement. Elle a indiqué que tous les Etats parties aux Conventions de Genève – dont nous sommes évidemment – avaient l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par l’Etat d’Israël le droit international en la matière et de ne prendre aucune mesure qui puisse l’encourager à le bafouer encore…

Or, le rétablissement de ce commerce militaire avec l’Etat d’Israël est évidemment un encouragement à la politique de cet Etat et de son gouvernement, un soutien au système militaro-industriel israélien et une caution helvétique à la poursuite des violations systématiques du droit international commises par l’Etat et l’armée d’Israël dans les territoires occupés.

Pourquoi la Suisse se livre-t-elle à cette provocation? Pourquoi a-t-il aussi été question de livrer 180 anciens chars d’assaut helvétiques en Irak, pour ce qu’on appelle pudiquement des «opérations de police»? Dans un pays en guerre, un pays occupé! La décision en faveur du rétablissement du commerce avec Israël, la décision, ou la proposition ou l’intention, l’idée même de livrer des chars suisses en Irak participe d’un tournant particulièrement inquiétant de la politique de notre pays, où on voit – et vous le savez bien dans d’autres domaines aussi – un alignement croissement sur les Etats-Unis d’Amérique. A terme au bout de cette route on retrouvera notre pays comme cinquante-et-unième Etat desdits Etats-Unis d’Amérique que j’ai dénoncés tout à l’heure.

Notre refus de ce programme d’armement s’inscrit aussi dans le refus de ce tournant et de cette politique pour notre pays!

Pierre VANEK