Boillat: tous solidaires

Boillat: tous solidaires

Nous n’étions pas loin de 10 000 sur la place fédérale à Berne le 8 avril, venus de partout, mais surtout de toute la Suisse romande, pour manifester une fois encore notre solidarité avec les travailleurs de Swissmetal et leurs familles en lutte à Reconvilier. Ce qu’ils-elles ont fait et font pour défendre leurs emploi, pour préserver leur outil de travail, leurs savoir-faire, contre la liquidation de leur entreprise, pour défendre l’activité industrielle dans leur région est remarquable.

Remarquable le recours à la grève, à contre-courant de toute la pression visant à démonter et à délégitimer le droit d’utiliser cette arme élémentaire de défense des travailleurs-euses, ceci dans un pays où la protection de ceux-ci et de leurs représentant-e-s est quasi-inexistante. Remarquable dans un pays aussi où l’idéologie de la «paix du travail» pèse depuis 70 ans sur toute la société… Remarquable encore l’extension de la solidarité manifestée par le nombre impressionnant de signatures sur l’appel de soutien et par le succès de la récolte de fonds de solidarité, qui a dépassé le million de francs, admirable la chaleur et la force et l’enracinement du soutien dans tous les milieux de la région. Bref… c’est une belle histoire. Mais…

Mais… au moment de boucler ce numéro on lit des dépêches selon lesquelles Swissmetal a réduit le nombre des licenciements de 111 à 81 et présente cette décision comme «un investissement dans l’avenir du site»… tout en déplorant que le «personnel soit encore toujours livré aux agitations quotidiennes des meneurs de grève et de leurs sympathisants par le biais des forums Internet et des médias locaux».

On lit le communiqué d’UNIA, qui salue la décision de Swissmetal «dé-licencier» une trentaine de travailleurs-euses comme «un premier pas vers la normalisation de l’entreprise à Reconvilier». Tout en lisant par ailleurs – dans une autre dépêche d’agence – qu’une responsable d’Unia pense que cette mesure viserait peut-être simplement «à diminuer la portée des coûts d’un plan social.» Sur le plan de la «médiation» on lit que l’expert désigné, par le «médiateur», désigné par le Conseil fédéral, n’a malheureusement pas pu rencontrer les travailleurs, bloqué qu’il était par les aléas aériens d’un «voyage d’affaires en Norvège».

Il y a de quoi s’enthousiasmer, il y a de quoi se décourager. Les contradictions sont multiples: à Berne, on a entendu un discours émouvant de la femme d’un gréviste qui expliquait par ailleurs pourquoi elle ne contestait pas le système et que ce qu’il leur fallait c’était un «vrai patron» et pas un type à la Martin Hellweg qui «veut tuer la sienne», comme le dit l’appel à la manif. On peut applaudir ce discours et aller débattre au prochain forum social sur les méfaits et la logique d’un système capitaliste mondialisé, où règnent les lois de la finance et de la bourse, et dans le cadre duquel les diktats que subissent ceux-celles de la Boillat relèvent de la «normalité» et non de l’exception.

Mais dans ces contradictions, il faut trouver des voies pour agir… Michel Schweri, journaliste au Courrier, écrivait un commentaire pertinent, le jour de la manif, dans lequel il concluait que «La solution – à tout le moins une grande part de la solution – réside à Dornach. Réussir à percer syndicalement au coeur du “monstre” pour y expliquer l’unicité du combat contre le démantèlement de la Boillat et contre la flexibilité des horaires ou l’utilisation de temporaires à Dornach par la direction de Swissmetal empêcherait cette dernière de jouer la défense d’un site contre l’autre. La tâche est ardue, mais les syndicats n’en feront pas l’économie, car l’union est la seule force du mouvement ouvrier.» C’est une évidence, mais le «monstre» dans lequel il faut être capable d’agir syndicalement ensemble, dépasse aujourd’hui les frontières d’un groupe ou d’un pays, même s’il faut en effet se donner les moyens d’agir syndicalement, à l’échelle d’un groupe… et d’un pays. C’est une première orientation syndicale concrète.

La deuxième piste est l’action politique, nous étions sur la place fédérale aussi – selon l’appel à la manif – pour demander au Conseil fédéral d’agir… avec les résultats que l’on sait. N’empêche. C’est juste de se battre pour une intervention de l’Etat, dans ce sens et dans l’immédiat, nous vous invitons à signer la double pétition Boillat 2006, à laquelle on peut accéder en passant par le site www.boillat.org et qui demande notamment… en gros et pour faire simple, à l’Etat de Berne, de «nationaliser» la Boillat.

Pierre VANEK