Palestine à feu et à sang: que veut le gouvernement Olmert?
Palestine à feu et à sang: que veut le gouvernement Olmert?
Depuis juin dernier, 280 Palestinien-ne-s ont été
tués par les forces israéliennes, dont 60 enfants. Le 8
novembre, 18 civils, dont 7 enfants et 4 femmes, trouvaient la mort
dans le bombardement criminel du quartier résidentiel de Beit
Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza. Les Etats-Unis ayant
opposé leur veto à une condamnation dIsraël
par le Conseil de sécurité, cest le Conseil des
droits de lhomme, réuni en session extraordinaire, qui a
adopté majoritairement une résolution enjoignant
Israël à respecter les Conventions de Genève en
protégeant les civils des territoires occupés. Le
Royaume-Uni, lAllemagne et les Pays-Bas ont voté contre,
la France et la Suisse se sont courageusement abstenues. LEurope
contribue à sa manière, aux côtés des
Etats-Unis, à la construction du «Nouveau
Moyen-Orient»
Michel Warschawski parle de la bande de Gaza comme dun «gigantesque camp de concentration»1
(sic), où sentassent 1,5 million de personnes. Ici, les
victimes collatérales sont inévitables et donc
«programmées». En Cisjordanie, les civils sous
occupation sont confinés derrière un mur, dans de
véritables prisons à ciel ouvert, tandis que la
colonisation israélienne et lenclavement de
Jérusalem-Est se poursuivent. Tout se passe comme si la
formation dun Etat palestinien réellement souverain
devenait chaque jour plus irréaliste. La colonisation de 100% du
territoire de la Palestine mandataire est un fait depuis près de
40 ans; larmée israélienne sest ainsi
transformée en «une force de police oppressive» dont
les principales fonctions, comme le note Uri Avnery, consistent
à «maltraiter des civils sans défense, donner la
chasse à des enfants qui jettent des pierres, humilier des gens
sur dinnombrables barrages routiers (
)».2
En réalité, nous avons affaire à une
tentative de «destruction de la Palestine en tant que nation
ce que le sociologue israélien Baruch Kimerling appelle
un politicide et son homologue palestinien, Salah Abdel
Jawad, un sociocide». Pour lhistorien
israélien Ilan Pappe, ces massacres à
répétition sinscrivent dans le prolongement
dune politique de «Nettoyage ethnique» (cest
aussi le titre de son dernier livre), initiée en 1948. Elle rime
avec la démolition de milliers de maisons, larrachage de
centaines de milliers doliviers et darbres fruitiers,
linstallation de colons juifs à Jérusalem-Est et
en Cisjordanie (plus de 400 000), le pillage des ressources
hydrauliques des territoires occupés, la multiplication des
check points (plus de 700), lincarcération arbitraire et
lassassinat «ciblé» de militant-e-s, etc. Le
fait quun Avigdor Lieberman, partisan de lexpulsion de
tous les Palestnien-nes, occupe aujourdhui un poste de premier
rang au sein du gouvernement israélien en dit long sur les
objectifs de celui-ci
Aujourdhui, avec lannonce dun cessez-le-feu et les
déclarations dOlmert en faveur dune reprise des
négociations de «paix», ce sont les clash
fratricides entre Palestinien-ne-s qui sont montrés du
doigt
Au lendemain des élections de janvier, Israël
avait en réalité tout fait pour en arriver là en
lançant une brutale offensive contre Gaza, bastion du Hamas, et
en bloquant les fonds des Palestinien-ne-s, aidé en cela par la
«communauté internationale». Il sagissait de
pousser les secteurs les plus compromis du Fatah au coup dEtat,
au risque de la guerre civile, tandis que ses porte-parole les plus
critiques, comme Marwan Barguti, étaient maintenus en prison. En
annonçant des élections anticipées, en violation
de la Constitution, Mahmoud Abbas entend se débarrasser à
chaud du gouvernement du Hamas, que le peuple palestinien avait
pourtant choisi démocratiquement, il y a moins dun an, en
sappuyant sur loccupant israélien et les
chancelleries occidentales (avec lappui de Tony Blair). Sans
doute un pas en avant de la démocratie!
En réalité, il ny a aucune possibilité
dinstaurer une paix durable en Palestine sans
lévacuation de tous les territoires occupés par
Israël en 1967 et le respect du droit au retour des
réfugié-e-s palestiniens expulsés en 1948. Il ne
sagit jusquici que du respect strict du droit
international et des décisions de lONU en la
matière. Ceci implique aussi le rejet de
lidéologie sioniste, en tout cas dans son
interprétation actuelle, qui refuse de considérer la
coexistence possible des Juifs et des Palestiniens, avec les
mêmes droits, au sein dun même Etat. Le chemin de la
paix passe en effet par la coopération des deux peuples
Et pourquoi pas, à terme, dans le cadre dun seul Etat aux
structures fédérales, comme le préconisait le
philosophe Martin Buber, considéré comme le père
spirituel dIsraël, et après lui Edward Saïd.
Nous nen avons jamais été aussi
éloignés? Certes. Mais une chose est sûre: la
pseudo-indépendance de quelques Bantoustans palestiniens,
enclavés et contrôlés par un Etat israélien
régnant sur la quasi-totalité de la Palestine mandataire,
ne serait que le prélude à un nouveau cycle de violences
effroyables.
hebdomadaire de la LCR, 18 novembre 2006. Rappelons quil faut
faire la différence entre les camps de concentration,
instaurés pour la première fois par les Espagnols dans
leur guerre contre les patriotes cubains (dès 1896), puis par
les Anglais dans la guerre des Boers (1889-1902), et les camps
dextermination nazis.
2 Counterpunch, 18 décembre 2006.