Déchets nucléaires, la fuite en avant
La décision du Conseil fédéral de relancer l’énergie nucléaire laisse dans l’ombre la sensible question du stockage définitif de déchets hautement radioactifs. Produits par l’exploitation des centrales atomiques civiles, ce problème ne trouve pas d’issue satisfaisante.
C’ est encore plus difficile à trouver qu’une mine d’or ou de diamants. La mine idéale, destinée à recevoir les déchets hautement radioactifs, présentant une menace pour tout organisme vivant durant des siècles. Aucun traitement ne peut supprimer cet effet mortel. Le rayonnement radioactif modifie les propriétés des matériaux exposés et provoque un échauffement permanent à cause de l’énergie dissipée depuis l’intérieur des fûts.
Comment connaître l’état d’un sous-sol d’ici des centaines, voire des milliers d’années? Comment garantir un entreposage «parfait» durant des siècles?
Car cela exige une stabilité chimique et physique totale d’un vaste territoire souterrain pendant cette même période. Autant dire mission impossible. Spéculer sur une telle stabilité revient à demander au temps et aux atomes de se figer. C’est une imposture scientifique.
Enterrons l’avenir?
Les apprenti·es-sorcier·es de l’atome continuent de justifier l’activité des quatre centrales suisses. Les plus addicts (ou subventionnés) nous proposent même de nouvelles installations, au lieu de tirer la prise de ces centrales le plus rapidement possible, et de miser sur les énergies renouvelables et la réduction de la consommation.
En minimisant, voire en ignorant, le traitement des déchets, iels présentent cette technologie comme «propre» et «faible en émission de carbone». Les déchets? Il suffit de les enfouir bien profond et les oublier, disent-iels!
L’entreposage en surface, sur d’anciennes centrales, serait plus accessible, plus transparent et certainement plus économique. Mais cela signifie aussi qu’il faut arrêter de produire ces déchets de la mort.
Quant à la technique de transmutation, censée pouvoir neutraliser la radioactivité, elle demeure un rêve inaccessible, un prétexte pour continuer le cauchemar atomique.
L’affaire ne manque pas de sel
Le stockage en profondeur, sensé «résoudre» la question des déchets radioactifs est pourtant un échec qu’il faut reconnaître. Le cas d’Asse en Allemagne le confirme.
Réputée étanche aux infiltrations d’eau, la mine de sel d’Asse avait été utilisée comme site pilote pour l’entreposage de déchets hautement radioactifs de 1965 à 1995. Et comme les déchets découlant de l’exploitation des centrales atomiques s’amoncelaient, le stockage a continué, en toute discrétion cela va de soi. Les pro-nucléaires adorent le secret, aussi bien dans le secteur militaire que civil.
En Allemagne, le mouvement de contestation antinucléaire a toujours été parmi les plus forts au monde, et la vigilance est encore très présente. En 2008, il a été reconnu que le site de l’Asse ne convenait pas au stockage nucléaire. La société gérant ces installations voulait simplement reboucher ce trou devenu trop instable et incontrôlable.
Fixée à 2022, l’évacuation des containers maudits est maintenant reportée à 2033. Or le fiasco pourrait encore empirer, avec l’effondrement de la voûte et l’enfouissement des fûts contenant les matériaux radioactifs. Même si ce scénario apocalyptique ne se produit pas, l’opération d’évacuation sera très compliquée à réaliser. Solidification des voûtes, retrait de fûts dont beaucoup ont été rongés par la corrosion… toutes ces délicates opérations doivent être effectuées par des robots, car le niveau d’émissions radioactives ne permet pas à des êtres humains d’y travailler.
La solution d’enfouissement est contestable partout où elle est proposée. Les ennuis à répétions du site de Hanford dans l’État de Washington (États-Unis) montre que le cas allemand n’est pas isolé. Hanford est un site d’entreposage gigantesque, qui accumule fuites, effondrements, contaminations et course aux coûts avec comme horizon 2060 pour son assainissement annoncé.
Ces incidents devraient inciter les partisan·es de la poursuite de l’aventure atomique à plus de modestie. Alors que les déchets continuent de s’accumuler du fait de la poursuite de l’exploitation des centrales de Beznau I et II, de Leibstadt et de Gösgen, aucune solution concrète n’est actuellement définie pour résoudre ce problème
Maîtrisons l’avenir
Les mêmes milieux bourgeois qui s’offusquent des déficits publics, en expliquant qu’ils se refusent à «léguer aux futures générations» des montagnes de dettes, ne trouvent par contre aucune objection à laisser à l’humanité un legs de déchets radioactifs. En doublant la durée de fonctionnement des centrales, la production de déchets moyennement et hautement radioactifs va plus que doubler.
Impossible d’aller plus vite par manque de moyens? La menace nucléaire civile est aujourd’hui très clairement l’une des principales sources d’insécurité à une échelle de masse. Utilisons donc les budgets du Département militaire et consacrons ces milliards à financer le développement d’énergies alternatives, le combat contre les activités énergivores et surtout un entreposage fiable des déchets radioactifs existants. Sécuriser l’espace aérien avec des FA-35 ou sécuriser véritablement la production d’énergie? C’est un vrai choix de société.
José Sanchez