La flamme du Che brûle toujours

La flamme du Che brûle toujours

A l’occasion du
huitantième anniversaire de la naissance de Che Guevara,
solidaritéS•Vaud organisait, le 28 août dernier, un
café politique avec Alberto Granado, ami d’enfance du Che,
avec qui il parcoura l’Amérique Latine dans un
périple porté à l’écran
récemment («Carnets de voyage»).

Témoin direct du processus révolutionnaire cubain,
Alberto Granado joua également un rôle important dans le
développement du secteur de la santé à Cuba. Avec
un tel invité, le but était de questionner non seulement
l’héritage du Che, mais également son
actualité à travers les luttes des peuples
d’Amérique latine et les combats internationalistes
menés.

C’est une salle des cantons, au Buffet de la gare à la
Lausanne, pleine à craquer (près de 450 personnes) qui
accueillit Alberto Granado. Celui souhaita que la discussion se fasse
sous une forme interactive, et non avec un exposé introductif.
Les questions de la salle comme les réponses d’Alberto
Granada sont retranscrites ci-contre de façon non
exhaustive. 

•    Est-ce que le départ de Fidel
Castro entraîne un changement dans la politique cubaine? Quelle
est l’évolution de l’Amérique Latine depuis
votre voyage en compagnie d’Ernesto Guevara?

AG: Les changements
récents intervenus dans le gouvernement cubain n’ont rien
changé. Le programme de ce gouvernement est toujours le
programme de lutte mis en place par Fidel et Raul Castro. Ce dernier a
toujours été là. Il dirigeait
l’armée. Avec son frère, il a organisé la
résistance dans la Baie des Cochons. Quant à lui, Fidel
mérite aujourd’hui son repos après sa longue lutte.

Par contre en Amérique Latine, il y a eu des changements.
Notamment en Bolivie où un indigène est devenu
président, alors qu’autrefois les indigènes
étaient totalement opprimés, au Brésil ou au
Venezuela également. Mais ceci n’est que le début
du changement.

•    Che Guevara avait des différents
notoires avec le gouvernement cubain? Que se passerait-il si le Che
était toujours vivant? Que penserait-il de la façon dont
a évolué la révolution cubaine?

AG:  Il est toujours
difficile de travailler sur des hypothèses, mais le Che voulait
une révolution et celle-ci est restée fidèle
à sa pensée. Il voulait un pays sans
analphabétisme, capable de résister, solidaire, avec une
santé pour tous. Il rêvait d’un pays où il
n’y aurait pas de différence entre riches et pauvres. Or
c’est ce qu’a réalisé la révolution
cubaine.

•    Che Guevara était-il marxiste ou trotskyste? Quand est-il devenu le Che?

AG: Le Che est surtout un
marxiste autodidacte. Au début, notre voyage à travers
l’Amérique Latine était un voyage d’aventure.
Mais plus que les paysages, ce que nous avons découvert,
c’est l’exploitation des peuples, que ce soit les
indigènes en Bolivie ou les mineurs au Chili dans le
désert d’Atacama. C’était donc devenu un
voyage de conscientisation par la découverte d’un monde
qui devait être changé.

Le Che est un marxiste cubain latino-américain. Sa pensée
est surtout pratique. Il n’était pas
anti-soviétique, mais il critiquait le manque de culture et
d’éthique de la révolution soviétique.

•    Quel est le trait principal de la personnalité du Che?

AG: C’est sa sensibilité humaine. Il avait une bonté débordante.

•    Que représente pour vous le fait d’avoir été l’ami du Che?

AG: C’est quelque chose
de très fort, car pour moi Che Guevara, c’est
«l’homme nouveau». Il n’était pas un
homme surdoué, mais il était intelligent et avait une
grande force de travail. Je l’ai vu devenir meilleur. Le Che
n’a jamais changé et nous avons toujours gardé des
liens très forts. Après avoir vécu avec le Che, je
crois en l’homme nouveau. Et c’est le plus bel
héritage que le Che m’a laissé.

•    Quelles étaient les relations entre
le Che et Fidel Castro au moment du départ du premier pour
l’Afrique?

AG: La lettre que Guevara
envoie à Fidel avant de partir dit tout. C’est une lettre
d’amour à un ami et au peuple. La condition fixée
par le Che pour participer à la révolution cubaine
était que sa participation fut momentanée pour
qu’il puisse aller continuer la lutte ailleurs.

•    Que pensez-vous de l’utilisation actuelle de l’image du Che par la publicité?

AG: Les premières images
diffusées après la mort du Che m’ont choqué.
Mais finalement, ce n’est pas si terrible. Les types qui vendent
les t-shirts avec son effigie ne sont pas riches. Les riches eux
vendent des pays entiers…

J’ai rencontré une fois un jeune Argentin avec un de ces
t-shirts. Je lui ai demandé s’il savait qui était
cet homme sur son T-shirt. Il m’a dit qu’il ne savait pas
exactement qui il était. Il savait juste que son père
n’aimait pas le Che et que son père était un
«hijo di puta». Il portait donc ce T-shirt pour emmerder
son père, ce qui constitue un premier acte de révolte!

Propos recueillis par Pierre Raboud