Lutter contre le dumping salarial et la pauvreté

Lutter contre le dumping salarial et la pauvreté

Depuis le début de la décennie, les salaires stagnent. En
termes relatifs donc, ils reculent, compte tenu de
l’élévation rapide de la productivité du
travail (+ 10% de 2000 à 2007). Pour le dire autrement, la part
des nouvelles richesses créées qui revient aux
salarié-e-s ne cesse de diminuer, tandis que celle qui revient
au capital ne cesse d’augmenter…

En Suisse, la moitié des salarié-e-s, soit 1,25 millions
de personnes, gagnent moins de 5700 francs bruts par mois (salaire
médian); 55% d’entre eux-elles touchent moins de 4500
francs; 22% moins de 3750 francs, dont 70% de femmes. En moyenne, ces
dernières disposent d’un salaire inférieur de 20%
à celui des hommes…

L’envolée des cotisations du 2e pilier et de
l’assurance maladie (+4% annoncés par les assureurs) –
puisque ce sont les salarié-e-s qui épongent les pertes
boursières des assurances privées!- pèse
extrêmement lourd sur le budget des plus modestes, d’autant
plus que ces hausses ne sont pas prises en compte pour le calcul de
l’indice du coût de la vie (+2,9% depuis un an). Il faut
encore ajouter à cela le renchérissement des loyers et
des frais de transport, plus rapide que celui des autres biens et
services, et sur lesquels il n’est pratiquement pas possible de
faire des économies…

Que faut-il attendre des négociations salariales de cet automne
entre «partenaires sociaux»? Relevons d’emblée
que près de la moitié des salarié-e-s ne
bénéficient toujours d’aucune forme de
négociation collective; ils-elles en sont réduits le plus
souvent à se soumettre au bon vouloir de leur patron, surtout
lorsque le chômage et la dérégulation du
marché du travail accroissent la concurrence. Pour l’autre
moitié, qui disposent de conventions collectives, il faut savoir
que souvent elles ne prévoient même pas le niveau des
salaires. C’est le cas de la principale convention du pays, dans
l’industrie des machines. Pour ces travailleurs-euses, les
négociations salariales se déroulent donc essentiellement
au niveau de l’entreprise.

C’est dans ce contexte, que solidaritéS a
décidé de lancer ses forces dans une bataille
d’ensemble pour la reconnaissance d’un salaire minimum
légal dans les cantons de Genève, Neuchâtel et
Vaud. Des initiatives identiques ont été
développées en parallèle par d’autres forces
dans les cantons du Tessin et du Valais. Au-delà de ces
propositions cantonales (voir p. 7), notre objectif vise à
inscrire ce droit dans la Constitution fédérale, qui
permettrait de chiffrer ce salaire minimum (nous proposons 4000 francs
par mois), de prévoir son indexation à la progression du
revenu national et de donner la compétence aux cantons de
relever ce plancher pour tenir compte des différentiels de
coûts de la vie.

L’établissement d’un salaire minimum légal
garantirait une rémunération qui permette aux
travailleurs-euses de vivre dignement, comme le revendique la
Déclaration universelle des droits de l’homme et un
certain nombre de chartes internationales signées par la Suisse.
Mais il n’offrirait pas une protection suffisante aux
salarié-e-s précaires, à temps partiels,
intermittent-e-s, sur appel, etc., sans parler des sans-emploi, des
personnes en formation, des invalides et des retraité-e-s? Selon
Caritas, un million d’habitant-e-s survivent aujourd’hui en
Suisse au-dessous du seuil de pauvreté et elles appartiennent
pour l’essentiel à ces catégories. C’est
pourquoi, pour leur permettre de vivre dans des conditions acceptables,
nous revendiquons aussi un «revenu minimum» de 3000 francs
par mois, soit une sorte de «salaire social»,
indépendant du travail.

Enfin, le système de retraite helvétique fondé sur
trois piliers conduit à l’appauvrissement programmé
de la grande majorité des aîné-e-s. Tout
d’abord, parce que l’AVS – dont la droite propose
aujourd’hui de relever l’âge à 67 ans – ne
remplit toujours pas son mandat constitutionnel: la garantie d’un
minimum vital. Ensuite, parce que l’escroquerie du 2e pilier se
referme comme un piège sur les assuré-e-s, dont les
rentes prévues fondent comme neige au soleil, sans parler de la
petite épargne individuelle, dont la rémunération
est inférieure au taux d’inflation…

Dans ces conditions, outre un salaire minimum de 4000 francs par mois
et un revenu minimum de 3000 francs, indépendant du travail,
nous défendons une revalorisation des rentes AVS minimales
à 3000 francs, ainsi que l’intégration du 2e pilier
à l’AVS, avec conservation des avantages acquis. Un tel
programme politique nécessite des mobilisations sociales de
grande envergure, dans les entreprises et dans la rue, qui ne se
limitent pas au morne rituel des campagnes électorales et des
négociations salariales autour du tapis vert. Il exige surtout
la reconstruction d’une gauche de gauche, politique, syndicale et
associative, qui regarde au-delà du capitalisme et ses
«contraintes».

Jean Batou