Honduras: accords avortés, farce électorale en préparation

Honduras: accords avortés, farce électorale en préparation

Contrairement aux informations
diffusées par les médias, l’accord conclu le 4
novembre entre les représentants du président
légitime Manuel Zelaya et du putschiste Roberto
« Goriletti » – sous la houlette de
Thomas Shannon, sous-secrétaire d’Etat US –
n’aura pas fait illusion une semaine.

Le Congrès hondurien n’a pas réinstallé
Manuel Zelaya à son poste, le prétendu
« gouvernement d’union nationale » est
composé de partisans du putsch. Les élections du 29
novembre se tiendront donc sous la houlette du régime actuel,
les USA ont par avance annoncé qu’ils en
reconnaîtraient les résultats. L’Organisation des
Etats américains et l’Union européenne
n’enverront pas d’observateurs pour le 29 novembre.

Les Etats-Unis et l’Europe complices

Le 7 novembre, Rasel Tomé (conseiller du président
Zelaya) a déclaré l’accord du 4 novembre
« lettre morte ». Pour sa part, Manuel Zelaya
n’a pas mâché ses mots : « Les
putschistes se moquent de la société hondurienne depuis
le 28 juin. Maintenant, ils se moquent de la communauté
internationale : je suis renversé depuis 4 mois. Il faut
en finir avec le coup d’Etat qui a rompu l’ordre
constitutionnel. Or, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton
a tout simplement obtenu le renforcement du régime de facto,
voilà la leçon de ces derniers jours. La
communauté internationale et les USA se sont
révélés inoffensifs pour la dictature
actuelle » (Neues Deutschland, 12 nov. 2009).

    Le Front national de résistance au coup
d’Etat appelle au boycott des élections :
« Des élections sous un régime de facto qui
réprime et bafoue les droits humains et politiques des
citoyen·ne·s ne serviront qu’à valider
(nationalement et internationalement) la dictature de
l’oligarchie, pour garantir la continuité d’un
système qui marginalise et exploite les secteurs populaires afin
de garantir les privilèges d’une
minorité » (sauf autre indication, citations
extraites de www.rebelion.org).

Résistance et boycott

Bertha Caceres, dirigeante du Conseil civique des organisations
populaires et indigènes du Honduras (COPINH) a
déclaré au journal El Clarin de Chile (11 nov.
2009) : « Le Tribunal suprême électoral
organise une délégation d’observateurs
internationaux, avec des sénateurs républicains US
favorables au coup d’Etat. Le peuple est indigné du fait
que les militaires assassins et tortionnaires
’ surveillent ’ la démocratie et les
élections. Nous ne participerons pas à une farce
légitimant le putsch et, le 20 janvier 2010, un gouvernement
continuant le régime actuel ». Le syndicaliste
Carlos Humberto Reyes (« Candidature indépendante
populaire ») s’est donc retiré du scrutin.

    Des témoignages recueillis par le COPINH
attestent que le patronat pratique le chantage à l’emploi
pour contraindre les travailleurs-euses à voter le 29 novembre.
« Nous continuons les actions, les mobilisations et les
activités dans tout le pays. (…) Le contexte
électoral est clair: société militarisée,
monopole médiatique en faveur des candidat·e·s
putschistes, participation de secteurs religieux fondamentalistes
à la supervision des élections, impunité pour les
violeurs des droits humains, implication du Tribunal suprême
électoral dans le coup d’Etat et dans une fraude
électorale que nous dénonçons »
(Bertha Caceres).

En appui à la résistance populaire hondurienne,
solidaritéS soutient et participera à la manifestation
nationale organisée le samedi 21 novembre
(13 h 30, Hirschengraben, Berne).

Première exigence : la non-reconnaissance des
élections du 29 novembre par le gouvernement suisse (dont le
courage politique n’est pas la première vertu…).

Hans-Peter Renk


L’alliance du sabre et du goupillon

Parmi les « pouvoirs de fait », figure au
premier rang, en Amérique latine (Honduras compris), la Sainte
Eglise catholique, apostolique et romaine.

    Porte-parole de la conférence
épiscopale hondurienne, et par ailleurs candidat malheureux
à la succession du pape Karol Wojtyla, le
cardinal-archevêque de Tegucigalpa – Oscar Andrés
Rodriguez Maradiaga – s’est prononcé au nom de
ses collègues (sauf l’évêque de Santa Rosa de
Copán, Luis Alfonso Santos) en faveur du coup d’Etat du 28
juin. Pour sa peine, et pour premier châtiment, il a
récolté un tag vengeur sur le mur de
l’archevêché : « Cardenal
golpista »…

    L’Eglise catholique hondurienne est fortement
infiltrée par l’Opus Dei (remplaçant des
Jésuites comme bras idéologique de la papauté).
Quels sont les griefs de ce petit monde confit en dévotion
contre Manuel Zelaya ? « Le veto
présidentiel à la prohibition de la pilule du
lendemain », votée par le Parlement,
« l’impulsion donnée à une
égalité des genres et à des programmes
d’éducation sexuelle dans un pays où des milliers
d’adolescent·e·s et d’enfants sont
violés et abusés quotidiennement. A noter au passage que
dans un pays muselé, où le poids de l’opinion
publique en est à ses prémisses, on ne parle pas de
pédophilie et rarement de viol » (Golias Hebdo,
nº 103, 22/28 octobre 2009).

    Cerise sur cet indigeste gâteau : le
cardinal putschiste aurait dû être fait docteur honoris
causa de l’Institut catholique de Paris, le 24 novembre. En
compagnie d’un autre humaniste chevronné :
l’ultra-libéral Michel Camdessus, ex-PDG du FMI. La
laudatio du cardinal aurait dû être prononcée par le
vice-président de la Conférence épiscopale
française, celle de Camdessus par le président de la
Banque centrale européenne (Jean-Claude Trichet). Mais
« un boulon est tombé dans le yaourt »
(adage hongrois) : le gouvernement de facto hondurien
n’étant pas reconnu par l’Union européenne,
ses dignitaires (et ses thuriféraires) sont interdits
d’entrée dans l’UE.

    Doctorat « honoris
causa » ? Il eût mieux valu parler dans ce
cas de doctorat « horroris causa »…

HPR