NPA: « Dépasser nos clivages internes pour élargir notre audience »

NPA: « Dépasser nos clivages internes pour élargir notre audience »



Une délégation de quatre
militant·e·s de solidaritéS a pris part au 1er
congrès du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) à
Montreuil, du 11–13 février 2011. A l’issue de ces
journées de débat et de prises de décisions,
Giulia Willig s’est entretenue avec Pierre-François Grond,
membre de son Comité exécutif. (réd)

Comment expliques-tu l’affaiblissement qu’a connu le
NPA depuis sa fondation, en dépit des importantes mobilisations
sociales qui ont tenu la France en haleine, notamment en 2010 ?

Difficile d’expliquer à chaud les raisons de fond de cette
crise. Il s’agit sans doute d’une combinaison de
difficultés liées à la situation politique et
d’autres qui sont de notre propre responsabilité. De la
crise économique ne naît pas spontanément une
conscience anticapitaliste de masse en France comme dans la plupart des
pays européens.  Les mobilisations sociales ne parviennent
pas à enrayer les offensives gouvernementales comme la question
des retraites l’a montré ici même. Par ailleurs,
nous avons du mal à établir une stratégie et une
orientation claires à l’extérieur du parti et
rassembleuse en son sein. Deux problèmes sont en
discussion : une synthèse entre radicalité et
unité en ce qui concerne les rapports unitaires avec
d’autres forces ; et la question du
« voile », c’est à dire du
rapport entre religion et émancipation. Le congrès a
répondu en partie sur ces questions : l’adoption
majoritaire d’un programme et d’une position sur le voile a
été majoritaire dans les congrès locaux. Mais sur
l’orientation tous les textes proposés au vote ont
été rejetés. Ce qui crée une situation
inédite, où il va falloir éviter la
paralysie.  En revanche, c’est un point positif, dès
que la situation s’accélère (une grève, un
mouvement social, la révolution dans les pays arabes), alors le
parti parvient à se rassembler dans l’action.

La question des relations entre religion, défense de la
laïcité et féminisme a occupé une place
importante dans le débat, avec une forte polarisation sur
l’islam. Peux-tu expliquer les motions adoptées et les
positions qui semblent se dégager à l’issue du
congrès ?

Il n’y a pas de polarisation sur l’islam. Nous ne pensons
pas contrairement aux islamophobes que cette religion soit incompatible
avec la défense de valeurs démocratiques. Nous combattons
tous la politique raciste du pouvoir. La question est donc
réduite à une contradiction bien réelle: combattre
le racisme, l’islamophobie, tout en restant ferme en ce qui
concerne le droit des femmes. Les motivations du port du voile sont
complexes, mais ce signe religieux marque
l’infériorité supposée de la femme par
rapport à l’homme. Paul de Tarse (Saint Paul, pour les
chrétiens) n’exprimait rien d’autre lorsqu’il
écrivait « que la femme devait se couvrir et se
taire en assemblée ». Les conquêtes du
mouvement des femmes se sont toujours heurtées aux institutions
religieuses patriarcales. En France comme ailleurs, l’Eglise
catholique agit par exemple contre le droit à
l’avortement.  Une femme qui porte le foulard peut entrer au
NPA, mais elle doit connaître la position du parti sur ce signe
religieux.

La presse suisse a évoqué le ralliement de l’un
de vos membres au Front National (il se serait dit choqué par
votre candidate portant le foulard à Avignon). Comment expliquer
un tel parcours ? Le discours
« laïcard » d’une partie de la
gauche française n’a-t-il pas nourri une certaine
islamophobie, y compris dans vos rangs ?

Attention de ne pas tomber dans le piège d’un ou deux cas
individuels très médiatisés et très
particuliers ! Ce n’est pas la laïcité qui est
en cause, mais le racisme qui gagne une partie des couches populaires.
L’extrême droite et une partie de la droite
détournent le combat laïc de son sens émancipateur
contre l’oppression religieuse… Le NPA est de toutes les
luttes contre le racisme et la xénophobie. Celles et ceux qui ne
soutiennent pas notre internationalisme et par exemple notre engagement
aux côtés des sans papiers ont raison de le quitter. Il
faut combattre l’extrême droite globalement en mettant au
centre de la lutte des classes les questions sociales et
démocratiques.

Les documents « Nos réponses à la
crise » ou la « Déclaration de
solidarité internationale » ont réuni une
large majorité. Malgré vos divergences,
l’unité sur ces questions centrales semble importante.
Pourquoi ne contribue-t-elle pas à renforcer
l’attractivité du NPA auprès de plus larges couches
de jeunes et de salarié·e·s ?
    Pourquoi cela ne serait-il pas le cas ?
C’est notre travail à partir de ces documents importants
de rassembler les anticapitalistes, celles et ceux qui souhaitent
renverser le système par un mouvement issu du bas de la
société, comme nous le montre le vent du sud, celui des
révolutions arabes. Il ne faut pas confondre les
difficultés internes d’un congrès et la perception
extérieure du parti et de ses propositions. Les indicateurs dont
nous disposons, dont l’audience de notre porte-parole, ne
montrent pas un recul, bien au contraire. C’est à nous de
faire l’effort de dépasser nos clivages de congrès
pour nous rassembler sur l’essentiel : un anticapitalisme
nourri par une crise globale du système capitaliste et
portée par les aspirations démocratiques des peuples, en
particulier au sud de la Méditerranée.


Propos recueillis par Giulia Willig