Chronique de la saloperie ordinaire

Chronique de la saloperie ordinaire



Le racisme exprime-t-il une
poussée de l’extrême-droite, ou pas ; lutter
contre le sentiment d’insécurité, est-ce
légitime, ou pas ; la lutte des classes aura-t-elle raison du
racisme, ou pas ?

Des colloques, des publications, des plateaux télé
multiplient les occasions de poser ces questions sans jamais parvenir
à opposer un obstacle sérieux à ce que le fantasme
d’une invasion musulmane, d’une invasion
étrangère qui dénatureraient la France, la Suisse,
l’Europe s’impose au cœur du débat politique.
Est-il difficile de travailler à réunir toutes celles et
tous ceux qui ne supportent plus cette manipulation, ou sommes-nous
devenus si rares ?

Le racisme en toile de fond

L’UMP organisait le 5 avril à Paris sa convention sur la
laïcité et l’islam. Pour la justifier, Claude
Guéant, depuis peu ministre de l’Intérieur,
assénait les clichés racistes comme on assomme les
bœufs : « En 1905, il y a avait très peu de
musulmans en France, aujourd’hui il y en a entre 5 et 10
millions (1) […] Cet accroissement du nombre de
fidèles et un certain nombre de comportements posent
problème […] Il est clair que les prières dans les
rues choquent un certain nombre de concitoyens […] Et les
responsables des grandes religions ont bien conscience que ce type de
pratiques leur porte préjudice […] La question interpelle
nos concitoyens: nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a des
entorses à la laïcité.» (2)

    Durant plusieurs semaines, alors que le parti
sarkozyste louvoie d’un lâcher de dictateurs au lancement
de guerres coloniales, Jean-François Copé s’est
efforcé de gonfler la croyance en une question musulmane en
chantant sur tous les tons l’importance de sa convention.

« C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes »

Le flop ridicule de l’absurde projet importe peu. Il permet
à Claude Guéant d’annoncer immédiatement la
réduction de l’immigration légale, la limitation du
regroupement familial.

    Applaudi par l’ex-socialiste Eric Besson,
aujourd’hui ministre de l’Industrie, qui a payé ses
galons au Ministère de l’immigration et de
l’identité nationale : « L’immigration
doit être adaptée à notre capacité
d’intégration ». Et flatté par le
centriste Hervé Morin, ex-ministre de la Défense, pour
qui : « Il appartient au ministre de
l’Intérieur de fixer les conditions de la
régulation de l’immigration ». Et par Georges
Tron, secrétaire d’Etat à la Fonction
publique…

    Avant Claude Guéant, le ministre de
l’intérieur avait été Brice Hortefeux
après son départ du Ministère de
l’Immigration et de l’Identité nationale que Fillon
lui avait créé le 18 mai 2007. Ce ministère
disparaît en novembre 2010 et le ministère de
l’Intérieur est alors renommé ministère de
l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de
l’Immigration.

    Claude Guéant Brice Hortefeux, bonnet blanc
blanc bonnet. A l’Université d’été
2009 de l’UMP Hortefeux posant avec un jeune militant
d’origine maghrébine déclarait : « Il
ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand
il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup
qu’il y a des problèmes ».

    Poursuivi par le MRAP (Mouvement contre le racisme
et pour l’amitié entre les peuples) pour
« diffamation à caractère
raciste » ou pour injures raciales, Brice Hortefeux est
condamné le 4 juin 2010, par le tribunal correctionnel de Paris
à 750 euros d’amende pour injure non publique envers
un groupe de personnes à raison de leur origine, à 2000
euros de dommages et intérêts à payer au MRAP, et
à la publication d’un communiqué de presse, compte
tenu de « l’effet délétère sur
le lien social d’un tel propos, quand il est tenu par un
responsable de si haut niveau ».

Marine Le Pen et le Front national

Sont-ils d’extrême-droite ces politiciens de
l’UMP ? Cherchent-ils à débaucher sur son
terrain l’électorat du Front national, comme le croient
encore certains, ou expriment-ils leur conviction profonde de
protéger l’identité nationale contre son
altération excessive comme n’importe quel défenseur
suisse de l’Überfremdungsdiskurs ?

    Et Marine Le Pen, qui booste son parti à
grands coups de déclarations sociales et républicaines,
qui se prépare pour le second tour de la présidentielle
de 2012, est-elle d’extrême droite lorsqu’elle
touille jusque dans le vieux fonds du gaullisme de gauche ?

    La réglette à mesurer la distance
d’un hypothétique centre a-t-elle du sens ? Ne
faut-il pas plutôt combattre le racisme et
l’impérialisme colonial au nom des droits de tous les
peuples opprimés et des travailleurs exploités, dans les
pays soumis comme dans les métropoles occidentales ? 7

Karl Grünberg ACOR SOS Racisme


(1)« Entre 5
et 10 millions ! » L’information
présente si peu d’intérêt que le chiffre
réel n’a aucune importance.
(2)http://lci.tf1.fr/politique/2011-04/pour-gueant-la-hausse-du-nombre-de-musulmans-pose-probleme-6356802.html