La crise de l'Euro à nouveau sur le devant de la scène

 La crise des dettes souveraines s’est à nouveau accélérée depuis un mois. Les résultats des élections grecques du 6 mai ont plongé la Grèce dans une crise de gouvernementalité. Entretemps, le gouvernement espagnol se débattait pour éviter un sauvetage européen de son secteur bancaire, miné par les mauvaises créances résultant de l’éclatement de la bulle immobilière espagnole.

 

Et si tout cela ne suffisait pas, la spéculation a rebondi et a fait repartir les taux d’intérêt des dettes publiques espagnole et italienne à des niveaux insoutenables. La dernière fois que cela s’était produit, c’était en octobre et en novembre derniers, à un moment d’extrême tension politique et financière.

  

Où va la Grèce après les élections de dimanche ?

Au lendemain de l’élection grecque, le soulagement pour la victoire de la droite faisait la une de la presse bourgeoise partout en Europe et au-delà. Les résultats permettront aux forces politiques favorables à l’austérité de former un gouvernement. La droite, arrivée en tête avec 29,7% des voix, a vu son score bondir de 11% par rapport au 6 mai. La campagne internationale contre Syriza, axée sur le chantage d’une sortie de la Grèce de l’euro en cas de victoire de la formation de la gauche radicale, et le rassemblement des forces de droite voulant lui faire barrage a fait un peu mieux que la campagne de Syriza axée sur la perspective d’un rassemblement de la gauche opposée à l’austérité. Syriza a vu son score bondir de 10% (à 26,9% des voix) et est arrivé deuxième.

     Mais que fera le nouveau gouvernement pro-austérité ? Toutes les forces politiques qui le composeront ont promis dans leurs campagnes électorales de renégocier les termes de l’accord avec la Troïka dans le but de l’assouplir. Une promesse inévitable s’ils voulaient rester un minimum en phase avec un électorat grec très massivement opposé aux mesures d’austérité. Le plus probable est que l’UE assouplira à la marge les termes de l’accord, en allongeant la durée de temps prévue pour réduire les déficits et/ou en diminuant les taux d’intérêt sur les fonds prêtés à la Grèce. Mais le cadre essentiel ne changera pas. Les privatisations vont probablement s’accélérer et de nouvelles mesures de rigueur vont tomber tôt ou tard.

     Le score de Syriza et sa décision de rester dans l’opposition permettront de donner une expression parlementaire à la colère sociale qui continue à être très forte. Il est trop tôt pour dire quel sera l’impact des résultats électoraux sur la détermination des travailleurs grecs à continuer à se battre contre l’austérité. Mais il est très difficile de croire que la force déployée par le mouvement ouvrier grec depuis deux ans disparaîtra suite à ces résultats. Le déplacement vers la gauche de millions d’électeurs de la social-démocratie s’est confirmé dimanche 17 juin et cela augure une polarisation politique qui risque encore de s’approfondir.

 

Un plan d’ensemble ambitieux pour sauver l’euro ?

Plus que les élections grecques, ce qui risque de laisser une trace durable dans les années à venir dans le déroulement de la crise européenne est le sommet européen de fin juin. Suite au sommet informel du 17 mai, des préparatifs intenses sont en cours pour préparer un plan d’ensemble pour la zone euro.

     Le rebond de la crise en Espagne et l’alternance électorale en France, sont les deux raisons derrière cette accélération des efforts européens. Le rebond de la crise en Espagne a signifié deux choses. D’abord, que des pays bien trop grands pour être sauvés par les fonds de stabilité européens existants étaient les cibles suivantes de la spéculation. Ensuite, que l’austérité seule ne suffira pas, puisque les problèmes espagnols sont en grande partie déterminés par les difficultés des banques. Le plan de sauvetage international prévu pour l’Espagne ne concerne en effet que la recapitalisation de ses banques.

     C’est pourquoi l’innovation la plus probable sera celle d’une « union bancaire ». Cela signifierait que l’ensemble des gouvernements de la zone euro seraient responsables pour les banques de la même zone. Ils garantiraient collectivement les dépôts des banques, se partageraient le fardeau financier d’éventuels renflouements de banques faillies, et en contrepartie les gouvernements céderaient la supervision des banques à la BCE.

     Beaucoup moins probable dans l’immédiat, la question d’une mutualisation des dettes publiques des états-membres de la zone euro pourrait être mise en route. Un reportage du magazine allemand Der Spiegel daté du 11 juin fait état des discussions prévoyant une feuille de route pour renforcer l’« union fiscale » en Europe. Qu’est-ce que cela pourrait être ? Le magazine parle d’un plan où les déficits budgétaires de chaque état membre devraient être approuvés collectivement par les autres états-membres de la zone euro, en contrepartie d’une garantie collective pour les emprunts souscrits pour financer les déficits en question. D’autres plans, plus ou moins ambitieux, circulent également, mais l’idée de base est la même.

     Le marchandage clé dans un tel accord sera franco-allemand. Le gouvernement allemand est prêt à envisager une mutualisation des dettes européennes, mais seulement si en contrepartie il y a aussi un contrôle collectif de la politique budgétaire des autres états membres. Les français ont jusqu’à l’élection de François Hollande refusé d’envisager une telle évolution. Mais il semble que les choses vont changer avec le nouveau pouvoir en place. François Hollande est un disciple de Jacques Delors et de François Mitterrand, deux des pères de l’euro. Et la séquence électorale qui vient de se terminer lui a donné une majorité parlementaire forte.

     Si ces plans tombent à l’eau, les quelques mesures d’importance secondaire sur la croissance ne calmeront pas la spéculation contre l’euro. La crise européenne deviendrait alors frénétique. 

Christakis Georgiou