Devoir d'insolence contre le racisme

Nous reproduisons ci-dessous la pétition lancée par les Inrocks en soutien au sociologue Saïd Bouamama et au rappeur Saïdou, mis en examen pour « provocation à la discrimination ». A l’heure où à Fréjus, sur le site du Mémorial des guerres d’Indochine, le ministre socialiste de la défense Jean-Yves Le Drian inaugure la stèle du général Marcel Bigeard, l’homme de la torture comme « mal nécessaire » en Algérie, on ne peut laisser passer sans réagir cette nouvelle provocation de l’Etat raciste. (SP)

 

Le rappeur Saïdou du groupe Z.E.P (Zone d’expression populaire) et le sociologue et militant Saïd Bouamama ont été mis en examen pour «injure publique» et «provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence» sur une plainte de l’Agrif, un groupe d’extrême droite nostalgique de l’Algérie française. En cause, un ouvrage et une chanson du même nom, Nique la France, qui assènent en refrain :

 

«Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes / Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes.»

 

Comme des millions de gens à tra-vers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. Comme beaucoup d’entre nous, ils dénoncent une idéologie toujours très en vogue : le racisme, sous ses formes les plus courantes, mais aussi les plus décomplexées. Comme de nombreux habitants des quartiers populaires, ils ont crié leur colère contre les inégalités, les discriminations et la justice à double vitesse.

S’inscrivant dans une longue tradition pamphlétaire des artistes engagés en France contre l’État français, du « nation de porcs et de chiens » d’André Breton au «le temps que j’baise ma Marseillaise» de Léo Ferré en passant par le «je conchie l’armée française» d’Aragon ou le «votre République, moi j’la tringle» de Renaud, Saïdou et Saïd Bouamama ont choisi d’assumer leur « devoir d’insolence » afin d’interpeller et de faire entendre des opinions qui ont peu droit de cité au sein des grands canaux de diffusion médiatique.

Mais voilà, cela dépasse, choque et insupporte qu’une telle parole puisse être portée, d’autant plus quand elle l’est par ceux qui subissent en premier lieu les politiques racistes et antisociales. Lorsque des Noirs ou des Arabes font le choix de sortir de l’invisibilité et du mutisme afin de décrire la réalité telle qu’elle est – violente, inégale et destructrice – la droite extrême, l’extrême droite ou encore l’État s’emploient à tenter de convaincre l’opinion publique de l’illégitimité de ces discours.

NTM, Sniper, Ministère Amër, Mr. R, La Rumeur, Youssoupha ou Houria Bouteldja sont autant de rappeurs et militants attaqués ces dernières années pour des paroles jugées trop irrévérencieuses. Pourtant, tous n’ont fait que porter publiquement l’expression populaire du rejet des discriminations et de la stigmatisation des quartiers populaires, des Noirs, arabes et musulmans.

En signant cette pétition, nous exigeons que les poursuites contre Saïdou et Saïd Bouamama soient abandonnées. D’accord ou pas d’accord avec les propos et les formulations incriminés, nous défendons leur droit de les tenir. L’extrême droite veut interdire le droit de chanter la révolte, imposons le droit de l’exprimer sans entraves.

 

Comité de soutien Devoir d’insolence

 

Signez la pétition sur zep-site.com