Enrayer la machine à démanteler le droit d'asile

Le référendum lancé contre le premier paquet de mesures urgentes démantelant le droit d’asile, votées en automne par les Chambres fédérales, vient d’aboutir avec plus de 63 000 signatures.

Un succès pour les référendaires ! La votation populaire est annoncée pour juin 2013. Un signal important à l’encontre de l’escalade des révisions, en vigueur et annoncées, qui instituent toutes une série de nouvelles restrictions et mettent en place des règles qui ne sont rien d’autres que du droit d’exception.

 

Trier et exclure, pour mieux renvoyer sans délai

Un deuxième paquet de mesures a d’ores et déjà été adopté en décembre, visant notamment à sanctionner pénalement toute activité politique menée par les requérant·e·s d’asile et à étendre le régime d’aide d’urgence à ceux-celles qui seront considérés comme récalcitrants. Ce deuxième paquet n’a pas fait l’objet d’un référendum, faute de forces suffisantes pour l’appuyer.

Et, en embuscade, une troisième révision est en route, celle promue par le Rapport final du Groupe de travail Confédération/canton, «?Restructuration du domaine de l’asile-Mise en œuvre des mesures d’accélération dans le domaine de l’asile ». Ce dernier projet, mis en place sous la houlette de la conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, Cheffe du Département fédérale de justice et police, constitue la clé de voûte de ce processus de démantèlement.

Sous prétexte d’accélérer la procédure d’asile, il est prévu de centraliser les procédures en mains de la Confédération et de concentrer les requérant·e·s d’asile dans des centres d’enregistrement et de procédure plus grands. L’objectif visé est tout à fait clair : traiter en priorité des dossiers où un renvoi est possible.40 % des requérant·e·s d’asile (en procédure dite étendue) devraient être attribués aux cantons, 60 % (soit 40 % en procédure Dublin et 20 % en procédure dite ordinaire) à la Confédération.

Comme l’affirme sans fard le Rapport, il s’agit de « boucler » rapidement une grande partie des procédures dans les centres de la Confédération. Et pour tenter de garantir une efficacité meilleure de la machine à renvoi, le Rapport prévoit qu’un nombre suffisant de places de détention administrative soient disponibles : « Sur la base de premières estimations, quelque 500 à 700 places supplémentaires seraient nécessaires en Suisse, en plus des 430 existantes.?»

 

Requérants·e·s d’asile, personnes invisibles et sans droit

Pour tenter de contrer la progression de cette mécanique à broyer des femmes et des hommes, les défenseurs des droits des migrant·e·s devront rendre visible, dans les mois qui viennent, la situation concrète des personnes concernées. Face au traitement brutal de l’Etat qui vise à leur expulsion forcée, il s’agira de dévoiler le processus administratif de déshumanisation dont elles sont les victimes.

La campagne de votation du 9 juin 2013 sur les mesures d’urgence, contre lesquelles le référendum a abouti, constitue une étape dans cette perspective. Le président du parti socialiste suisse (PSS), Christian Levrat, a indiqué qu’il proposerait à son parti de refuser ces mesures, comme l’avait du reste fait les parlementaires socialistes aux Chambres. Tant mieux ! Mais cette opposition sera sans grande portée, tant qu’elle s’accommode de la mise en œuvre par une conseillère fédérale socialiste d’une politique migratoire et d’asile qui nie les droits fondamentaux des migrant·e·s et fait des requérants d’asile des êtres humains de « seconde catégorie ».

 

Jean-Michel Dolivo