Répression

Répression : Genève, Berne, Lugano - Défendons les espaces d'autogestion

Défendons les espaces d’autogestion

Aux trois coins de la Suisse, des espaces de l’autogestion et de la culture alternative sont attaqués. Provocations policières, campagnes de presse diffamatoires, coupures de subventions et menaces diverses et variées font le quotidien de nombreux lieux de la socialisation alternative. Il est temps de comprendre la dynamique et d’organiser la riposte. 

Ils sont venus pour l’Usine

Sous prétexte de formalités administratives engendrées par la nouvelle loi sur la restauration et la marchandisation de la culture, imposée par le Conseiller d’Etat PLR Pierre Maudet, le principal espace autogéré de Genève a vécu une année difficile. Les attaques sont arrivées de tous les fronts: politique, par la suspension des subventions votées par le législatif communal, financier, par le retrait des dons de la Loterie romande, médiatique, par la délégitimisation constante par la presse droitière, et policier, par une large campagne de criminalisation de ses militant·e·s. Tout cela en raison du refus de l’espace autogéré de renoncer à son identité et à ses principes : unité, pluralité, assembléarisme et autogestion.

 

 

Ils viennent pour la Reithschule

A Berne, un scénario similaire s’est amorcé il y a quelques semaines. La Reithschule, citadelle de l’autogestion, de l’opposition politique radicale et de la culture alternative, au plein centre de la capitale, fait l’objet d’une offensive menée par l’UDC, qui depuis plusieurs années demande la fermeture du centre. Si toutes les initiatives déposées par l’extrême droite ont jusqu’à présent été refusées en votation populaire, cette situation pourrait toutefois changer. Les arrestations musclées de migrant·e·s et les provocations policières aux portes de l’établissement ont augmenté au cours des derniers mois. Elles se sont parfois suivies par des émeutes ponctuelles opposant quelques dizaines de jeunes indociles aux forces de police, sur le parking adjacent à l’ancien manège. Des épisodes instrumentalisés par la presse et les politicien·ne·s bourgeois·es, pour lesquels mettre le feu à un container semble être bien plus grave que brutaliser un·e jeune migrant·e. Le Conseil communal a donc voté la suspension des subventions à l’espace autogéré. Une punition visant très probablement à miner l’unité des collectifs de la Reithschule, tous également affectés par la sanction alors qu’il est peu probable que tous partagent les choix tactiques des plus agité·e·s. Coup de semence ou acte isolé? Les prochains mois nous le diront.

 

 

Ils viendront pour le CSOA il Molino

A Lugano, à 19 ans de la première occupation, c’est l’espace historique du Centre Social Occupé et Autogéré (CSOA) il Molino qui fait l’objet de menaces d’évacuation toujours plus sérieuses. Dans ce cas également, on assiste à une multiplication des descentes de police et à une instrumentalisation médiatique de toute réaction aux provocations policières. De nombreux militant·e·s ont fait l’objet de poursuites judiciaires au cours des dernières années, menées de concert par le ministre de la justice cantonal et candidat malheureux au Conseil fédéral, Norman Gobbi, et le Procureur général «de gauche» John Noseda.

La campagne électorale pour la mairie de la ville, convoitée par le PLR et l’extrême-droite régionaliste de la Lega, contribue à la surenchère légaliste et place l’avenir de l’expérience autogérée au centre du débat politique. Si aucune mesure n’a été prise pour l’instant, les semaines à venir s’annoncent difficiles et les camarades tessinois·e·s sont en quête de soutiens.

 

 

Face aux attaques, construire une défense commune

Ces situations présentent plusieurs points communs. Les subventions publiques aux espaces autogérés sont utilisées pour pratiquer le chantage et l’ingérence dans la politique de gestion de ces lieux. Malgré quelques heureuses exceptions, le traitement médiatique de ces conflits fait le jeu de la droite et vise à faire passer un enjeu politique comme un problème d’ordre public. Enfin, la police et la magistrature sont utilisées pour mettre la pression, provoquer et chercher le casus belli justifiant une intervention encore plus musclée.

Certes, les contextes et les équilibres politiques sont différents et les soutiens populaires qu’il est possible de dégager en faveur des espaces autogérés ne sont pas les mêmes à Berne et à Genève qu’au Tessin. La campagne menée par l’Usine démontre toutefois que la défaite est loin d’être inéluctable. Un rapport de force peut être créé même à l’égard de magistrats prétendument inflexibles et de parlements aux majorités hostiles. La force de l’Usine a résidé dans sa capacité à refuser les attitudes sectaires et à activer un large mouvement populaire, qui n’a pas craint de prendre et garder la rue. Le tout sans nier le caractère éminemment politique des lieux de socialisation non-marchande, en ne revendiquant pas auprès des autorités le droit à une culture alternative complémentaire à celle des jeunes banquiers et des vieilles rentières, mais bien en affirmant l’existence d’une culture de lutte, en contradiction avec la culture bourgeoise.

Si le choix quant à la stratégie de défense revient à chaque espace et à leurs assemblées, compte tenu des similitudes et du caractère simultané des attaques, le développement d’un réseau de solidarité, voir d’un front commun, pourraient se révéler utiles. Dans ce sens, l’attention et la solidarité portées publiquement par l’Usine aux autogéré·e·s bernois·e·s sont un premier pas dans la bonne direction.

Marie Nozière