Un nouveau «droit» des étrangers fondamentalement raciste

Un nouveau «droit» des étrangers fondamentalement raciste

Avec la nouvelle Loi sur les étrangers (LEtr) et la révision en cours de la loi sur l’asile (LAsi), le Conseil fédéral et la majorité des Chambres fédérales sont en train de concocter une politique et un «droit» des étrangers encore plus répressif, raciste et sexiste que celui qui est actuellement en vigueur.


Ce «droit» consitute un véritable droit d’exception conférant à l’administration et à la police des étrangers un très large pouvoir d’appréciation. L’objectif est avoué: fermer la porte aux immigré-e-s, non ressortissant-e-s de l’Union européenne (UE), émigré-e-s des pays du Sud ou de l’Est et poussé-e-s à quitter leur pays en raison des effets de la crise et des destructions, provoquées par les guerres, les politiques du FMI, de la Banque mondiale et des multinationales. La discrimination en fonction de l’origine nationale de la personne étrangère sera inscrite dans la loi, rendant pratiquement impossible l’obtention d’une autorisation de séjour aux non ressortissant-e-s des pays de l’UE ou de l’Association européenne de libre échange (AELE).

Pourquoi un nouveau droit des étrangers?

L’accord sur la libre circulation des personnes, conclu avec l’Union européenne (UE), est l’aboutissement d’une politique migratoire mise en place au début des années 90 par le Conseil fédéral, la politique dite des trois cercles, puis celle des deux cercles. Ce changement avait été rendu nécessaire par le choix d’arrimer, même partiellement, la Suisse à l’UE. La reconstitution d’un chômage durable et massif, en Suisse comme dans la quasi-totalité des pays européens, a facilité simultanément la mise en œuvre de politiques de déréglementation et de flexibilisation en matière de conditions de travail. Les besoins en main d’œuvre étrangère non-qualifiée sont devenus moindres, à l’exception de secteurs vivant en partie de la surexploitation des immigré-e-s, tels l’hôtellerie, la restauration, l’agriculture, le nettoyage ou le textile. Dans cette même période, l’insécurité sociale et la précarité sont devenus le lot quotidien d’un nombre toujours plus grand de salariés, femmes et hommes, de retraité-e-s ou de jeunes, quelle que soit la couleur de leur passeport. Cette réalité constitue un terreau favorable au développement de la xénophobie, elle-même nourrie par la politique des autorités.

«L’UDC pose les bonnes questions, mais apporte les mauvaises réponses»

Cette formule, utilisée par Ruth Metzler au soir de la votation sur l’initiative UDC contre le droit d’asile en novembre 2002, est identique à celle lancée en son temps par un premier ministre socialiste français lors d’un débat télévisé avec Jean-Marie Le Pen! Le socle idéologique du nouveau «droit» des étrangers reste celui de l’«Ueberfremdung», ce qui signifie une altération excessive de l’identité nationale. Il a pour but de faire croire aux citoyennes et citoyens helvétiques qu’ils-elles ont à craindre que leur identité soit menacée par des étrangers soi-disant inassimilables. Dans les années 30, il s’agissait pour les autorités de lutter contre «l’enjuivement», dans les années 90, le conseiller fédéral PDC Koller faisait état de la menace que l’enchevêtrement culturel de ressortissants de pays «qui n’ont pas les idées européennes( au sens large)» ferait peser sur la sûreté intérieure! Le projet de LEtr abandonne certes formellement le terme d’«Ueberfremdung», par trop choquant du fait de sa connotation fasciste, au profit du critère d’admission qui est celui de la prise en considération de «l’équilibre de l’évolution socio-démographique» de la Suisse! Il existerait donc un seuil de tolérance… à définir! C’est sur ce terrain que l’on assiste aujourd’hui à une véritable surenchère en matière de politique sécuritaire avec des propositions répressives portant sur la politique d’asile et d’immigration, et ce sous couvert d’une prétendue lutte contre la clandestinité, la fraude et les détournements de procédures. Citons notamment celles du gouvernement argovien et saint-gallois qui veulent interdire aux requérants d’asile l’usage des téléphones mobiles, sous prétexte que ceux-ci seraient utilisés pour organiser le trafic de drogue, et pouvoir mettre en détention un requérant d’asile en vue de son renvoi, sur la seule base d’indices faisant penser qu’il aurait falsifié son identité. Le gouvernement argovien s’est aussi illustré en proposant la mise sur pied de véritable camp d’internement pour les requérants d’asile. La criminalisation des immigré-e-s, des sans-papiers ou des requérant-e-s d’asile permet alors de légitimer des atteintes graves aux libertés fondamentales.


Relevons enfin que toute cette démagogie sécuritaire passe sous silence le fait que les législations déjà actuellement en vigueur – Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers/LSEE, ses ordonnances et directives d’application) comme la Loi sur l’asile/LAsi et ses ordonnances – se distinguent par leur caractère particulièrement inquisiteur et suspicieux.

Condamner à une immigration clandestine

Au lieu de constater l’inanité et les effets pervers d’une politique visant à faire de la Suisse une forteresse dans laquelle il serait impossible d’entrer, le nouvel arsenal législatif constitue une véritable machine à fabriquer des sans-papiers, en condamnant au statut de sans-papier les ressortissante-e-s de pays non-membres de l’UE. En même temps les autorités annoncent que leur traque, sous couvert de lutte contre le travail au noir, va s’intensifier! Cette répression ne vise en fait pas à les renvoyer toutes et tous (ils-elles sont plus de 150 à 200.000 en Suisse!), mais à s’assurer, en les intimidant, que la grande majorité d’entre eux accepte d’être soumis à des conditions de vie extrêmement précaires. Victimes d’un déni de droit, esclaves des temps modernes, ils et elles pourraient avoir des velléités de se révolter!

Refusons la nouvelle loi sur les étrangers et la révision de la loi sur l’asile!

La chasse aux étrangers-ères est ouverte. Elle vise en particulier toutes les personnes ayant la peau foncée, «à l’allure non-européenne». Elle prend la forme d’une multiplication de contrôles au faciès, de gardes à vue injustifiées, parfois même de violences policières ou de renvois brutaux. La chasse est non seulement ouverte, mais aussi couverte par le racisme dont sont imprégnées les déclarations de nombre de politiciens ainsi que par la politique mise en oeuvre par le Conseil fédéral. Défendre les droits de tous les étrangers-ères, avec ou sans statut, victimes du pouvoir discrétionnaire de l’administration, c’est refuser d’abord que ne se banalisent encore davantage des atteintes choquantes aux droits fondamentaux, reconnus en principe à l’ensemble des citoyennes et citoyens, quelle que soit leur origine ou la couleur de leur peau.


Pour sortir de cette négation des droits les plus élémentaires, il est primordial de se battre contre toutes les formes de discriminations, pour une égalité des droits sociaux, économiques et politiques pour toutes et tous ceux qui vivent en Suisse. Défendre la libre circulation des personnes, demander l’ouverture des frontières, ce n’est en fait que prendre acte des effets désastreux de la marchandisation du monde. Le rouleau compresseur de la mondialisation capitaliste pousse des dizaines de millions de personnes à quitter leur pays pour survivre. Ces femmes et ces hommes ne doivent pas devenir des parias, condamnées à la clandestinité et à une exploitation sans limite.


Jean-Michel DOLIVO