Etats-Unis

Etats-Unis : Les étudiant·e·s manifestent contre la violence des armes à feu

Le 14 mars, des dizaines de milliers d’étudiant·e·s sont sortis de leur classe partout aux Etats-Unis. La plupart d’entre eux et elles ont quitté leur école pendant 17 minutes, chaque minute symbolisant une victime de la récente tuerie de Parkland.


Victoria Pickering

Le mouvement a commencé à la suite du récent massacre au lycée Marjory Stoneman Douglas à Parkland en Floride, le 14 février dernier, durant lequel dix-sept jeunes ont perdu la vie et quatorze ont été blessés. «Partout dans le pays, les jeunes sont fatigués de la violence des armes à feu et par le fait que nos élu•e•s ne nous écoutent pas», a déclaré Winter Minisee, une étudiante de 17 ans au lycée artistique de Riverside en Californie.

Les étudiant·e·s mobilisés demandent de nouvelles lois pour contrôler le port d’arme et aux politicien•ne•s d’arrêter d’accepter de l’argent du lobby des armes, la National Rifle Association (NRA). En réponse, Donald Trump, qui compte la NRA parmi ses conseillers, a appelé à armer les enseignant•e•s, tandis que la plupart des membres du Parti républicain ont expliqué que rien ne pouvait être fait. Les enseignant·e·s et leurs syndicats sont quant à eux généralement opposés à être ainsi armés.

Les politicien·ne·s du parti démocrate ont quitté le Congrès à Washington DC pour rejoindre les étudiant•e•s et exprimer leur soutien. Les démocrates espèrent que leur appui au mouvement les aidera à gagner les élections de novembre 2018.

Une histoire de massacres

La première tuerie de grande échelle dans une école a eu lieu en 1999 quand Eric Harris et Dylan Klebold, âgés respectivement de 18 et 17 ans, tous deux étudiants au lycée de Columbine à Littleton dans le Colorado, tuèrent douze étudiant·e·s et un enseignant et en blessèrent vingt-quatre. Un autre massacre s’est produit en 2012, à l’école élémentaire Sandy Hook à Newton dans le Connecticut. Adam Lanza, 20 ans, qui avait d’abord assassiné sa mère, y tua vingt enfants âgés de 6 à 7 ans, six adultes et en blessa deux autres. Plus récemment, en 2017, Kevin Neal, âgé de 40 ans, a pénétré dans l’école élémentaire Rancho Tehama dans le nord de la Californie, tuant cinq adultes et blessant un écolier.

Les tueries par armes à feu dans les écoles ne sont pas les seuls massacres que connaissent les Etats-Unis. En 2017, Stephen Paddock a tiré plus de 1100 fois en direction de la foule assistant à un concert sur le Strip de Las Vegas. Il a fait cinquante-huit mort·e·s et 851 blessé·e·s.

Les jeunes blancs sont responsables de la plupart des tueries de masse qui arrivent dans les zones rurales ou suburbaines. Il existe aussi de la violence liée aux armes à feu dans les villes. Dans ce cas, elle implique le plus souvent des jeunes latinos ou noirs. En 2017, Chicago et ses 2,7 millions d’habitant•e•s comptabilisent 2785 incidents impliquant des armes à feu, 3457 victimes de coup de feu et 650 meurtres.

La NRA

Selon les sondages, à peu près deux tiers des Américain·e·s souhaitent des lois plus strictes sur les armes à feu: un relèvement à 21 ans de l’âge légal pour pouvoir acheter une arme, des contrôles plus précis du passé des acheteurs ou acheteuses, l’interdiction des fusils d’assaut, et la fin des lois permettant aux personnes de porter des armes dissimulées sur elles.

Mais tout ceci est rendu virtuellement impossible par la NRA. Cette dernière possède plus de cinq millions de membres, dépense dix millions de dollars pour soutenir les politicien•ne•s pro-armes à feu, en grande majorité des républicain·ne·s, et pour s’opposer à tout contrôle du port d’arme. Il y a 305 millions d’Américain·e·s, mais plus de 310 millions d’armes à feu, dont 265 millions sont détenues par des civils.

La NRA explique qu’il s’agit de défendre le deuxième amendement de la Constitution américaine qui stipule: «Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes.» En 2008, la Cour suprême en a précisé l’interprétation: il s’agit d’«un droit individuel à posséder une arme à feu sans lien avec le service d’une milice, et d’user de cette arme pour des raisons traditionnellement légales comme l’autodéfense.»

La NRA était autrefois une organisation de chasseurs. J’ai personnellement rejoint la NRA quand j’étais adolescent, au début des années 1960, pour apprendre les règles de sécurité dans le maniement des armes à feu. Mais dans les années 1970, période marquée par les mouvements pour les droits civiques des Noir·e·s, la population blanche a commencé à voir la possession d’arme à feu comme un moyen de protéger leur domicile contre les personnes de couleur, perçues comme une menace. Dans le même temps, les fabricants d’armes à feu ont contribué à hauteur de dizaines de millions à la NRA à travers des dons et des publicités. La NRA a alors développé une idéologie ultraconservatrice.

Pourquoi?

Pourquoi les Etats-Unis sont-ils marqués par de si violents incidents liés aux armes à feu? La culture américaine est violente et les armes à feu sont facilement accessibles. Une société touchée par l’insécurité économique et les tensions sociales se tourne alors vers les armes automatiques pour se venger d’offenses réelles ou imaginaires.

Les démocrates libéraux, avec les parents qui ont perdu leurs enfants, se battent pour le contrôle des armes à feu. Certains socialistes appellent aussi au contrôle des armes à feu et ont rejoint le mouvement. Peut-être que cette génération pourra faire certains progrès contre les fabricants d’armes à feu, la NRA et les républicains, mais cela sera une lutte difficile.

Dan La Botz