Le Temps, croissance critique

On aurait tort de penser que les médias «sérieux» passent leur temps à vanter les bienfaits du capitalisme triomphant et à passer la brosse à reluire aux puissances économiques et politiques. Ils savent aussi faire preuve, quand la situation l’exige, d’esprit critique et d’honnêteté intellectuelle.

Un exemple récent dans Le Temps. Le quotidien PLR-­compatible jette un pavé dans la mare: le PIB est un indicateur insatisfaisant. Pensez donc, le calcul de la croissance ne tient pas compte de la pollution ni du bien-être des populations.

Qu’est-il arrivé aux journalistes du Temps? Leur a-t-on conseillé la lecture d’économistes critiques? Leurs yeux se sont-ils soudain ouverts sur les injustices accompagnant la création de valeur ajoutée? Rien de tout cela, pas d’inquiétude: il s’agit juste de relayer un rapport du Crédit Suisse Research Institute, le «laboratoire d’idées internes» du groupe bancaire zurichois. 68 pages durant, des «expert·e·s» à la renommée mondiale y font mine de découvrir ce qu’on peut lire dans n’importe quel manuel d’économie et que Robert Kennedy, pas le plus grand révolutionnaire, résumait en 1968: «le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut d’être vécue».

En 2018, Crédit Suisse rémunère des consultant·e·s pour redécouvrir ce que des centaines d’économistes expliquent depuis un demi-siècle et Le Temps – mais aussi le magazine Bilan, soyons justes – emploie des journalistes pour s’extasier. Bonne nouvelle, tout cela vient grossir le PIB de la Suisse. MB