« Pas de féminisme sans les putes »

Le 24 février dernier, le Collectif vaudois de la grève féministe a donné ce titre à une table ronde portant sur l’inclusion du travail du sexe dans les préoccupations du mouvement féministe et notamment au sein de la grève féministe.

Manifestation du Syndicat du travail sexuel (Strass) et d’Act Up, Paris, 2012

La question du travail du sexe a gagné en importance au sein des débats féministes ces dernières années. Elle fait partie de ces questions qui « fâchent ». Son potentiel clivant a conduit les collectifs de construction de la grève du 14 juin 2019 à ne pas s’en saisir frontalement, mais l’enjeu persiste. Pour s’y atteler, trois femmes ont été invitées à en discuter : Yumie, travailleuse du sexe, Zoé Blanc-Scuderi, sexologue et Charlène Calderaro, doctorante en études genre.

Selon elles, une des étapes vers l’inclusion de cette question dans les rangs féministes serait de reconnaître que la société, en tant que productrice des normes sociales, stigmatise aussi bien le métier de putain que celles et ceux qui l’exercent. La stigmatisation apparaît comme une des problématiques centrales liées à cette profession. Elle crée un cercle vicieux qui pousse les concerné·e·s à l’isolement permanent et qui fait d’elles·eux une catégorie sociale particulièrement vulnérable. Lorsqu’ils·elles sont réduit·e·s à ce stigmate, l’accès aux soins comme l’usage quotidien de l’administration s’avèrent compliqués, voire impossibles. Dans ce contexte, comment accéder à la dignité lorsque la question « vous faites quoi dans la vie? », sert à mesurer la valeur sociale d’un individu?

Horizon de lutte

Un premier horizon de lutte consiste alors à revendiquer la déstigmatisation du travail du sexe, afin de permettre aux concerné·e·s de faire partie intégrante de la société. Les concerné·e·s sont majoritairement des femmes dont les conditions de vie et de travail sont très précaires. Elles se retrouvent vulnérables face à des politiques urbaines répressives, visant à lisser les villes de tout ce qui s’éloignerait de la norme ou dont on ne veut pas reconnaître l’existence – mendicité, prostitution, « deal de rue ». Il est donc essentiel que le mouvement féministe, s’il se veut réellement solidaire des différentes causes des femmes et des minorités, prenne au sérieux cet enjeu et accompagne les concerné·e·s dans la défense collective de leurs droits et dans l’exigence d’une vie digne pour tou·te·s.

Cette première discussion engagée par un collectif de la grève féministe aura mis en évidence le besoin d’être entendu·e et soutenu·e. Espérons qu’elle puisse ouvrir la voie à des propositions concrètes. En effet, politiser nos solidarités est la seule manière de se construire comme un mouvement féministe réellement inclusif et émancipateur.


Tamara Knezevic