Des milliers de femmes dans la rue pour un renouveau féministe
Des milliers de femmes dans la rue pour un renouveau féministe
Le lendemain du 8 mars, les femmes et le rouge ont fait la «Une» de tous les journaux: ce 8 mars 2004 fut un indéniable succès et deviendra sans doute un maillon mémorable pour un renouveau du mouvement féministe. Des milliers de femmes de toutes les générations ont, dune manière ou dune autre, participé à cette colère du 8 mars. Du jamais vu en Suisse.
Les choix clairs de la coordination nationale du 8 mars, qui a proposé de placer la journée sous le signe du rouge de la colère et de trois revendications communes, comme le soutien syndical, expliquent pour une large part le fait que la colère du10 décembre a pu se transformer en une nouvelle vague politique féministe. Loption prise de ne pas organiser une manifestation centralisée en un seul lieu, mais dappeler les femmes à manifester autour de revendications communes sur leur lieu de vie et de travail, a permis à un beaucoup plus grand nombre de femmes de participer activement à cette journée. Les sensibilités propres à chacune et les spécificités régionales ont ainsi pu sexprimer à travers toute la Suisse, sans perdre de leur force et de leur cohésion.
Cette année, le 8 mars était un lundi, cest la première fois, de mémoire de femmes, que leur manifestation na pas été déplacée sur «un jour de congé plus propice à la mobilisation». En choisissant de manifester leur colère le 8 mars même, en organisant des pauses de la colère sur le lieu de travail, les femmes ont fait de cette journée autre chose quune célébration rituelle. Elles ont osé affronter ou détourner les pressions patronales. Les interdits nont pourtant pas manqué: des associations patronales ont édicté dans toute la Suisse des directives demandant aux entreprises dinterdire la distribution de tracts et les débats publics dans lentreprise, de ne pas payer les pauses de la colère et de contrôler que les pauses ne se prolongent pas ce jour-là.
Certains ont clairment menacé les femmes: «Si vous descendez à la pause de la colère, vous navez pas besoin de remonter à latelier» (le patron dune entreprise horlogère). La déléguée au Bureau de légalité des chances de lUniversité de Neuchâtel na pas pu utiliser le fichier informatique pour inviter la communauté universitaire au traditionnel lunch de légalité et le rectorat de lUniversité de Neuchâtel a interdit que le rouge saffiche sur les bâtiments universitaires. Dans ce contexte, porter un T-shirt ou un foulard rouge relevait déjà dun véritable acte de résistance. Nombre de femmes ont découvert quil suffit vraiment dun rien pour déranger, quun rien cest déjà trop, pauvre Suisse
Mais fait remarquable, outre les actions organisées par les coordinations locales du 8 mars, partout en Suisse les femmes ont trouvé des idées et des moyens personnels pour montrer leur colère. Le cadre donné par les organsiatrices de cette journée a permis de laisser libre cours à limagination et à la créativité de chacune. La journée a ainsi pu trouver une spontanéité et une dynamique propre. Le rouge sest décliné sous tous les tons et toutes les formes.
Aux militantes de longue date se sont associées des jeunes et même de très jeunes femmes, mais aussi des femmes plus âgées ou même très âgées qui jusquici sétaient souvent peu intéressées à la politique et qui pensaient que légalité avancerait «naturellement». Ce 8 mars, nombre de femmes et dhommes solidaires- ont découvvert le plaisir et leficacité de la lutte collective et dune forme de militantisme, à la fois déterminé, gai et plein dun humour, parfois corrosif. Bref, le bonheur de vivre un militantisme conjugué au féminin pluriel. La colère des femmes a été source dénergie et de détermination. Cest toute requinquées que nous continuons notre campagne contre la 11ème révision de lAVS, pour lassurance maternité, mais aussi, et à plus long terme, pour un monde où légalité ne reste pas sur papier glacé.
Catherine LAUBSCHER PARATTE et Marianne EBEL