Mettre fin aux évacuations d'habitants sans ressources

Mettre fin aux évacuations d’habitants sans ressources

Toutes et tous les locataires peuvent un jour être victimes d’une procédure d’évacuation. Il suffit que la situation financière d’un foyer devienne difficile, suite à la perte d’un emploi, d’une maladie, d’une séparation ou d’un divorce. Cela peut prendre du temps mais, s’il n’y a plus d’argent, fatalement, l’huissier viendra notifier une décision d’évacuation et, dans les jours qui suivront, la police débarquera à l’improviste, mettra tout le monde dehors, emportera les meubles, changera la serrure et refermera la porte à clé.

Après l’évacuation…

Techniquement, il est rare que les gens dorment dans la rue. Ils vont plutôt s’entasser dans le salon d’un parent ou d’un ami, à l’hôtel ou encore dans une voiture. Leurs meubles sont conservés avec leur contenu au garde-meuble de la police, qui ne leur laisse, comme seule possibilité, que celle de les récupérer en bloc. Impossible pour qui n’a pas de lieu où les entreproser. Conséquence, les enfants ne peuvent plus récupérer leurs affaires scolaires, les parents leurs habits, leurs effets personnels, relevés bancaires, carnets d’adresses, certificats de travail etc. Impossible donc pour eux de chercher un appartement ou du travail: ils sont coupés du monde administratif.

En temps de crise du logement, il sera de toute façon impossible aux personnes expulsées de retrouver un appartement: elles sont fichés mauvaises payeuses à l’office des poursuites. Il faut donc empêcher leur expulsion. C’est pourquoi, la solution française d’une trêve hivernale des expulsions est largement insuffisante.

Notre projet de loi

Les dispositions légales cantonales doivent être modifiées pour ne permettre l’évacuation des locataires que lorsque le propriétaire peut prouver qu’il leur a proposé un logement abordable et adéquat. A Genève, nous proposons un projet de loi qui modifierait l’article 474A de la loi de procédure civile. L’alinéa 3 en aurait la teneur suivante:

[…] si le locataire […] prouve qu’il s’acquitte du loyer dans la mesure de ses moyens, le procureur général surseoit à l’exécution tant et aussi longtemps qu’un logement de remplacement adéquat ne lui a pas été proposé. Par logement de remplacement adéquat, on entend un bail à loyer de durée indéterminée portant sur un logement salubre, dont le prix ne soit pas fixé à plus de 110% du loyer acquitté antérieurement par le locataire sujet à la procédure d’évacuation et dont la surface habitable ne soit pas inférieure à 90% de celle dont il disposait précédemment.

L’objectif n’est pas de déposséder les propriétaires, qui pourraient se retourner contre l’Etat pour obtenir le paiement des loyers non versés. Ils seraient en quelque sorte expropriés de leurs droits tant et aussi longtemps que leur locataire ne s’est pas vu proposer un logement de rechange.

Droit au logement

En plus de protéger toutesd et tous les locataires, ce projet inciterait les autorités à accélérer la construction de logements abordables, et les milieux immobiliers à cesser de leur mettre des bâtons dans les roues. En effet, à défaut de logements abordables sur le marché, les évacuations de personnes dans le besoin deviendraient impossibles! Alors qu’aujourd’hui les propriétaires fonciers ont tout intérêt à favoriser la pénurie de logement, qui fait monter les prix des loyers, après l’adoption de la nouvelle loi, ils auraient intérêt à pouvoir proposer à leurs locataires d’autres logements, avec des loyers moins chers.

Enfin, seuls seraient protégés les locataires qui payeraient leur loyer dans la mesure de leurs moyens. Il serait en effet contraire aux intérêts de la population, que l’Etat doive payer les loyers de celles/ceux qui pourraient le faire mais s’en abstiennent par mauvaise volonté. La mesure des moyens de chacun pourrait être facilement effectuée par un calcul du minimum vital, tel que celui auquel procèdent les offices des poursuites et faillites. Ce projet de loi ne fait que concrétiser modestement, pour une certaine catégorie de la population genevoise, le droit au logement, garanti par la constitution cantonale.

Pierre BAYENET