Insultes papales, provocation bavaroise
Insultes papales, provocation bavaroise
Les récents propos de
Benoît «treize et trois» ne font que renforcer
lislamophobie qui souffle de Washington
A lheure où lUDC
propose dinterdire les minarets à Zurich, et où
les radicaux genevois se tâtent pour lancer un
référendum contre la révision de la loi sur les
cimetières, notamment au prétexte quelle
permettrait aux musulmans (mais aussi aux juifs ou à
dautres coreligionnaires) dêtre enterrés
côte à côte, nous avons jugé utile de publier
cette brève réplique de lécrivain et
militant anti-impérialiste anglo-pakistanais Tariq Ali.
La récente provocation de Benoît XVI était-elle
accidentelle ou délibérée? Le Bavarois est un
ecclésiastique réactionnaire aux dents
acérées. Un homme qui organise sa propre succession
à la papauté en se débarrassant de dissidents
potentiels, organise la sélection des cardinaux à grands
soins et ne laisse rien au hasard.
Je pense quil savait ce quil faisait et pourquoi.
Choisir une citation de Manuel II Paléologue pas le plus
intelligent des monarques byzantins avait quelque chose de
provocateur, spécialement à la veille dune visite
en Turquie. Il aurait pu trouver des citations plus appropriées
et plus près de chez lui. (
)
Le monde musulman, dont deux pays sont directement occupés par
des troupes occidentales lIrak et lAfghanistan
na pas besoin quon lui rappelle le langage des
croisades. Dans un monde néolibéral, qui souffre de la
dégradation de lenvironnement, de la pauvreté, de
la faim, de la répression, «une planète de
bidonvilles» pour reprendre la formule saisissante de Mike Davis,
le Pape choisit dinsulter le fondateur dune foi rivale.
La réaction du monde musulman était prévisible,
bien que tout à fait insuffisante. La civilisation islamique ne
peut pas être réduite à la puissance de
lépée. Elle qui a été le pont
essentiel entre lAncien monde et le monde européen.
La furie contre les hérétiques a conduit à
lincendie des villages cathares dans le Sud de la France. Les
Juifs et les protestants ont obtenu lasile dans lEmpire
ottoman, un asile quils se seraient vu refuser si Istanbul
était restée Constantinople. «Esclaves,
obéissez à vos maîtres humains. Parce que le Christ
est le véritable maître que vous servez», a dit Paul
(Colosses 3: 22-24) en établissant une tradition de
collaboration qui courbe léchine devant la richesse et le
pouvoir, et qui a atteint son apogée durant la Seconde guerre
mondiale, lorsque les sommets de lEglise ont collaboré
avec le fascisme et nont pas élevé la voix pour
dénoncer le judéocide et la boucherie sur le front Est.
LIslam na pas de leçons de pacifisme à
recevoir de cette Eglise.
La violence na pas été et nest pas la
prérogative dune seule religion, comme loccupation
ininterrompue de la Palestine par Israël le montre. Durant la
guerre froide, le Vatican, à de rares exceptions près, a
soutenu les guerres impériales; le cardinal US Spellman a
été un combattant de premier plan dans la lutte pour
détruire le communisme pendant les guerres de Corée et du
Vietnam. Par la suite, le Vatican a réprimé les
théologiens de la libération et les prêtres
paysans. Certains dentre eux ont été
excommuniés.
Tous les chrétiens nont pas pris part aux croisades,
anciennes et nouvelles. Lorsque le pape Urbain a lancé les
croisades, le roi normand de Sicile a refusé denvoyer des
troupes où les musulmans de Sicile seraient obligés de
combattre des musulmans dOrient. Son fils Roger II refusa de
soutenir la seconde croisade. En agissant ainsi, il a fait preuve de
plus de courage que les leaders actuels de lItalie, qui
nhésitent pas une seconde à participer aux
croisades impériales daujourdhui contre le monde
musulman.
«Pour être sûr davoir raison en toutes
choses», disait le fondateur des Jésuites, Ignace de
Loyola, «nous devons toujours nous en tenir au principe que ce
que nous voyons blanc, nous devons le croire noir, si la
hiérarchie de lEglise nous le commande».
Aujourdhui, la plupart des prélats catholiques
occidentaux (y compris le Bavarois du Vatican), ainsi que les
politiciens du centre-gauche/droite, vénèrent le
véritable Pape qui vit à la Maison Blanche et qui leur
dit quand le noir est blanc. Amen.
*Traduit par nos soins daprès loriginal publié par Counterpunch des 16-17 septembre 2006.