Paul Ariès ou les noces de la décroissance et de la gauche radicale

Paul Ariès ou les noces de la décroissance et de la gauche radicale



Vendredi 25 septembre,
solidaritéS invite le politologue français Paul
Ariès pour une conférence-débat à
Genève sur le thème «Objecteurs de Croissance et
gauche anticapitaliste: quelles convergences?». L’occasion
de faire le point sur les rapprochements en cours entre les mouvements
à gauche de la gauche et les écologistes
anti-productivistes.

Difficile de résumer le parcours de Paul Ariès. Né
en 1959, après avoir milité aux jeunesses communistes, il
devient politologue et écrivain. Dès la fin des
années 1990, il concentre son travail sur une critique de la
mondialisation et de ses avatars, en particulier la malbouffe et ses
effets (il parle de « Mc Donaldisation » et
de « Disneylandisation » du monde).
Dès 2007, Paul Ariès prend en charge les pages politiques
et internationales du journal La Décroissance (1). Il est
aujourd’hui l’un des principaux porte-voix de ce mouvement
dont le nombre de sympathisants, ne cesse de…
croître !

La décroissance en politique

Si la gravité de la crise écologique et la récente
flambée des prix du pétrole ont largement
contribué à l’émergence des idées des
objecteurs·trices de croissance, ceux-ci peinent toutefois
à entrer en politique. Au sein des partis traditionnels, la
prise de conscience de la finitude de nos ressources débouche
trop souvent sur un déni, ou sur de fausses solutions.
Ariès ne cache pas que cet aveuglement n’épargne
pas non plus la gauche, dont le bilan écologique est, pour lui,
historiquement « aussi désastreux que celui de la
droite ».
    Dans un entretien accordé à
Libération en mai dernier (2), il constate :
« La gauche mondiale est en effet dans une impasse
politique car elle campe encore dans l’idée qu’il
faudrait faire croître le gâteau (PIB) avant de pouvoir le
partager plus équitablement. Les objecteurs pensent, au
contraire, que puisqu’il n’est plus possible de faire
croître le gâteau, la question du partage des ressources,
sans cesse repoussée, devient plus que jamais
incontournable. »
    Paul Ariès s’emploie depuis 2007 au
rapprochement des anti-productivistes de gauche et des
écologistes anti-libéraux à travers le journal Le
Sarkophage (3) qu’il a fondé, et connaît bien les
difficultés qu’ont les objecteurs·trices de
croissance à faire passer leurs idées, même au sein
de mouvements en pleine recomposition (NPA, Parti de Gauche).
    Ces refondations ont été, en France,
l’occasion d’une première tentative de rapprochement
pour l’heure encore embryonnaire (4). « Nous avions
suggéré au Parti de Gauche de se dire Parti de Gauche
Ecologiste… Nous aurions aimé que le NPA se nomme Nouveau
Parti anticapitaliste et anti-productiviste (NP2A). On nous a
répondu que l’écologie allait suffisamment de soi
pour ne pas avoir besoin d’être dite. On a même
ajouté qu’il faudrait alors se dire antiraciste,
antisexiste comme si la gauche avait été sexiste et
raciste de la même façon qu’elle fut et reste
productiviste et consumériste. Les milieux de la
décroissance sont aussi responsables de cet échec par
leur immaturité politique, par leur sectarisme
idéologique ou leur refus de tout engagement
politique. »

Trois niveaux d’action

Ni scientifique, ni complètement philosophique, la vision de la
décroissance de Paul Ariès est une vision
profondément politique et humaniste. Il a pour habitude de
formuler des idées et des propositions d’action
concrètes. Il distingue trois niveaux de résistance
à articuler :

•    le niveau
individuel, celui de la simplicité volontaire:
« tout ce qui va dans ce sens est positif, comme ne pas
avoir de voiture, travailler à temps partiel, etc. »


•    le
niveau collectif, celui par exemple des coopératives agricoles
ou d’habitation: « nous devons bricoler des
alternatives dans les franges, dans les marges et au cœur de la
société. »


•    et
enfin le niveau politique : « nous devons inventer un
paradigme politique capable d’articuler la prise en compte des
contraintes environnementales avec le souci
d’égalité sociale… »

Extension des sphères de la gratuité

Ariès est aussi un fervent promoteur de l’extension de la
« gratuité ». Sa contribution majeure
à la pensée de la décroissance peut se contracter
en deux mots : « usage » et
« mésusage ». Arguant que dans un
monde aux ressources rares, il est aberrant de faire payer l’eau
au même prix pour « remplir sa
piscine » ou pour « faire son
ménage », il plaide pour une
« gratuité du bon usage » (à
définir démocratiquement) et un
« renchérissement du mésusage »
(en y fixant des limites supérieures). De la même
manière, les revenus devraient se situer entre un revenu minimum
garanti et un revenu maximal autorisé, ici encore dans des
ordres de grandeur à définir démocratiquement.

    Voilà quelques pistes d’action qui
pourraient constituer des terrains d’entente entre des
antiproductivistes qui souhaitent rompre avec le système actuel
et des anticapitalistes soucieux de fonder un projet politique qui
prenne en compte les limites physiques de la planète. Un
débat à poursuivre…

Thibault Schneeberger

1    www.ladecroissance.net
2    Paul Ariès « Rendre la
décroissance désirable. »,sur
http://tinyurl.com/ariesliberation
3    Pour vous abonner à cet excellent journal
introuvable en kiosques en Suisse rendez-vous sur www.lesarkophage.com
4    Paul Ariès a depuis entrepris un rapprochement avec le Parti de Gauche


Soirée-débat avec Paul Ariès

« Objecteurs de Croissance et gauche anticapitaliste : quelles convergences ? ».

Vendredi 25 Septembre 20h
Maison des Associations
(Salle Gandhi, Genève)

Sélection biographique :
« Les Fils de MacDo », éditions L’Harmattan, 1997.
«Décroissance ou barbarie », éditions Golias, 2005.
« Le Mésusage, essai sur l’hypercapitalisme », éditions Parangon/Vs, 2007.
(avec Bernadette Costa-Prades) «Apprendre à faire le vide:
Pour en finir avec le ‹ toujours
plus › », éditions Milan, 2009
Chaque mois dans le journal « La
Décroissance » ou le bimestriel « Le
Sarkophage ».