Entre rage et poésie, Serj Tankian ne vous laissera pas indemne

Entre rage et poésie, Serj Tankian ne vous laissera pas indemne

A tout juste 43 ans, Serj Tankian a déjà un parcours
impressionnant. Chanteur et membre fondateur en 1994 du groupe de
métal System of a Down, il a également entamé en
2007 une carrière solo, publié un recueil de
poésies (Cool Gardens) et fondé avec Tom Morello
(guitariste de Rage against the Machine) l’association
« Axis of Justice » visant à
sensibiliser les jeunes à diverses thématiques politiques
(anti-guerre, anti-capitalisme) via des concerts et des
émissions de radio. Il a par ailleurs créé son
propre label : « Serjical Strike » et
participé à de nombreux projets musicaux en collaboration
avec différents artistes. A relever en particulier les chansons
« Lazarus on Down », sur « The
Fabled City », premier album de The Nightwatchman (projet
solo de Tom Morello) et « Terminal Beauty »,
sur « Variéty », dernier album des
Rita Mitsouko. Le 21 septembre prochain, il sortira son deuxième
album solo : « Imperfect Harmonies ».

Serj Tankian, Daron Malakian, Shavo Odadjian et John Dolmayan, tous
descendants de familles d’origine arménienne, ont
fondé en 1994 le groupe de métal System of a Down (SOAD),
qui a connu un énorme succès, à la fois pour les
innovations que SOAD a apporté à ce style de musique,
mais aussi pour l’engagement politique prononcé du groupe
et de ses membres contre la guerre, l’impérialisme et bien
sûr pour que le génocide arménien soit reconnu en
tant que tel. Sans formellement se séparer, SOAD s’est
« mis en pause » en 2006, afin de permettre
à ses membres de développer les projets en solo qui leur
tenaient à cœur.

    Serj Tankian sort en 2007 un premier album
stupéfiant. Elect the Dead est un disque de rock décapant
et énergique, allégé par de douces mélodies
et de magnifiques performances vocales (la voix de Serj est unique en
son genre). Il en sort un contraste saisissant entre douceur et
violence, tendresse et rage, qui colle parfaitement aux textes
personnels, comme aux textes engagés de l’artiste.
« Empty Walls », une chanson contre la guerre
d’une force remarquable, ouvre ce disque par un rock puissant et
époustouflant qui donne à la fois la pêche et la
hargne. Bienvenus dans l’univers de Serj, vous n’en
ressortirez pas tranquilles

Concert avec l’orchestre philharmonique d’Auckland

Plusieurs groupes de hard rock ou de métal ont, de par le
passé, effectué des concerts avec des orchestres
symphoniques. Il y a notamment eu celui de Deep Purple avec le Royal
Philharmonic Orchestra en 1969 à Londres, ou celui de Metallica
avec l’orchestre symphonique de San Francisco en 1999. Ainsi,
l’annonce d’un concert de Serj Tankian avec
l’orchestre philharmonique d’Auckland, qui a eu lieu le 16
mars 2009, n’a pas surpris plus que cela les critiques musicaux.

    Cependant, notamment grâce au chemin parcouru
par l’artiste entre sa participation à SOAD et son premier
album solo beaucoup plus mélodique, cette expérience a
abouti à un résultat brillant qui constitue
aujourd’hui un point marquant dans l’évolution de
l’univers musical de Serj Tankian. Un album live de ce concert
est sorti en début 2010, sous le titre d’Elect the Dead
Symphony (également disponible en DVD).

    Que ce soit avec SOAD, dans ses diverses
collaborations avec d’autres artistes ou dans son travail en
solo, Serj a toujours considéré la musique comme un champ
d’exploration de nouveaux univers, de nouvelles sensations, de
nouvelles couleurs. Avec Elect the Dead, il a cherché à
réaliser un disque de rock énergique sans groupe de rock
et avec Elect the Dead Symphony, il a voulu donner plus d’ampleur
aux mélodies, sans pour autant perdre de puissance. Le travail
pour son second album solo, entamé avant même le concert
d’Auckland, poursuit ce cheminement en allant fureter dans les
registres du jazz et de la musique électronique.

Un nouvel album « électro-orchestral-jazz-rock »

En évoquant son prochain disque, Imperfect Harmonies, Serj
Tankian parle d’un album
« électro-orchestral-jazz-rock ».
Autant dire un mélange a priori surprenant. Mais à
l’écoute, il en ressort peu à peu un univers
particulier, où les combinaisons musicales parfois
déstabilisantes finissent par modeler un environnement sonore
cohérent et inédit.

    Fidèle dans sa démarche artistique,
Serj l’est également au niveau de ses engagements.
Imperfect Harmonies est, indéniablement, un album revendicatif.
Le choix même de sa date de sortie est un acte politique. Le 21
septembre est le jour de la fête nationale arménienne
depuis le référendum de 1991, par lequel
l’Arménie a accédé à son
indépendance. Un des titres de l’album s’intitule
d’ailleurs : « Yes, It’s
Genocide ». Ce morceau tranche avec le reste du
disque : une chanson simple, acoustique, chantée en
arménien. Pour celles et ceux qui ne comprendraient pas cette
langue, Serj répond simplement que tout est dit dans le titre.

    « Borders Are » est une
ode à contre les frontières, « Left Of
Center » est une critique tranchante de notre
société, alors que « Peace Be
Revenged » et « Reconstructive
Demonstrations » sont des mises à l’index de
la vanité égocentrique de l’Homme, qui
considère la nature comme lui étant
étrangère, méprise l’environnement et court
droit dans le mur en faisant mine de ne pas s’en apercevoir.

    Eclectique et improbable Imperfect Harmonies
n’est certes pas facile d’accès à la
première écoute, mais la musique finit par faire son
chemin pour toucher l’auditeur avec une palette de sons qui
portent des paroles d’une intensité poétique
remarquable. 


Erik Grobet

Serj Tankian, « Imperfect Harmonies », Serjical Strike Records