Expulsion des Musa

Expulsion des Musa : Une médiatisation revendiquée

Les frères et sœurs Musa, Walat, Hazna et Slava ont été expulsés le 7 septembre 2016, après une arrestation sournoise et brutale de la police sous les yeux du collectif Solidarité Tattes, de la « marraine » des Musa, Mme Lisa Mazzone, et de plus d’une centaine de personnes qui les accompagnent ce jour-là dans leur démarche obligatoire de se présenter à l’Office de la population (OCP). Il et elles ont ainsi été arrachés à leur petit frère, à leur famille et à leurs ami·e·s.

Une membre de solidaritéS  et de Solidarité Tattes, Aude Martenot, est allée leur rendre visite en Croatie. Elle ramène de cette visite des précisions sur leur arrestation, leur voyage vers la Croatie, leur situation actuelle.


L’Hôtel Porin à Zagreb, où les Musa sont logés avec plus de 500 requérant·e·s

Qui a dit que les expulsions à Genève se faisaient sans violence?

L’arrestation, qui a choqué les témoins de la scène, a été qualifiée de violente et brutale ce que les Musa nous confirment. Le 6 septembre, à 10h, alors que le frère et les sœurs se rendent à l’OCP pour faire tamponner leur « papier blanc », la police se jette sur eux pour les arrêter. Les deux jeunes femmes sont menottées. Au commissariat de Carl-Vogt, chacun·e est fouillé et déshabillé complètement, puis placé dans une cellule séparée pour 5 heures. La police veut contraindre Walat à signer un papier (le bannissement du territoire suisse pour 3 ans), mais il refuse. La police le menace de six semaines de prison si lui et ses sœurs n’acceptent pas de partir. Enfin, Walat peut rencontrer son avocat et appeler sa tante. Ensuite s’organise le départ pour l’aéroport de Cointrin où ils passent la nuit.

Outre la brutalité, la manière dont la police agit démontre la criminalisation d’individus qui n’ont comme seul tort que d’avoir les mauvais papiers. Ainsi qu’une certaine dose d’absurdité… Quinze policiers viennent pour emmener Walat à Cointrin! Il lève les bras pour signifier « ne me touchez pas », mais les policiers le bousculent et le prennent à la gorge. Ils le mettent dans une camionnette, menotté. Hazna et Slava sont aussi mises dans la camionnette, tenues par le bras. Ayant été blessé au pouce lors de l’arrestation à l’OCP, Walat a vu un médecin au commissariat de police de Carl-Vogt et il est mené à l’hôpital avant Cointrin, pour une radiographie. La radio faite, la police n’attend pas le diagnostic du médecin et repart avec la radio que personne ne lira. Walat finira par recevoir une crème analgésique en Croatie. A aucun moment, il ou elles n’ont reçu de nourriture ou d’eau, ni d’explication sur le moment, la destination et les conditions de leur renvoi.

Le lendemain à 4 h du matin, la police vient les chercher pour effectuer le trajet Genève-Zürich, directement à l’aéroport, sous haute surveillance. Il et elles sont à nouveau attachés avec des menottes, les bras devant. Comme Walat a toujours mal à la jambe, la police ne juge pas nécessaire d’entraver ses jambes. Le sang circule mal dans les bras et les mains de Walat, elles sont pourpres à l’arrivée. Ils sont emmenés comme ça jusqu’à Zürich.

Puis la torture du vol spécial

On demande à Walat s’il veut être entravé les bras devant ou derrière. Il choisit devant. Walat est stressé, il tente de se serrer la gorge. La police lui tire la tête en arrière et lui tire les mains en avant. Hazna tombe plusieurs fois sur le chemin de l’avion, parce qu’elle ne veut pas avancer, qu’elle a les bras attachés et que la police la pousse. Slava essaie de ne pas monter dans l’avion, s’accroche à la porte, mais la police la force à ouvrir les mains, lui sert les bras. Elle se blesse les coudes. Dans l’avion, où se trouve aussi Abozar (membre du refuge Mon-Gré), tous les trois sont normalement attachés sur leur siège, mais il et elles ne peuvent pas se lever de tout le vol. Une policière essaie de donner un médicament à Hazna, mais personne ne lui explique ce que c’est. Elle refuse.

Tout ça pour finir entassés dans un lieu d’accueil bondé, sans espoir d’avenir ni d’intégration, à 1 000 km de leur frère. A l’arrivée à Zagreb, Walat est désentravé sur l’escalier de descente de l’avion. Seuls deux policiers les attendent. Il et elles voient les passagers « normaux » qui montent dans leur avion pour retourner en Suisse: à l’aller, le vol est « spécial », au retour, c’est un banal vol de ligne. Arrivés dans le hall de l’aéroport, il et elles sont mis avec les bagages dans le bus-camionnette qui les amène tout de suite à l’hôtel Porin, immense structure de 200 lits à la sortie de la ville, qui héberge plus de 500 requérant·e·s d’asile.

Avec ou sans médias, les migrant·e·s sont expulsés

Il a été reproché à Solidarité Tattes, notamment par le Conseiller d’Etat P. Maudet, d’avoir médiatisé la situation des Musa, ce qui aurait nui à leur possibilité de rester en Suisse. Pourtant, avec ou sans médias, les migrants et migrantes sont expulsés de Genève! Preuve en est le renvoi scandaleux d’Aman Nesrur vers l’Italie, lundi 10 octobre passé. Aman est un rescapé des geôles d’Erythrée, il est venu rejoindre son frère à Genève. Suivi par des médecins-psychiatres, sa santé ne tient qu’à un fil, celui de pouvoir se reposer auprès de son frère. Malgré cela, les autorités genevoises, après l’avoir mis en bunker pendant près de 8 mois, décident de son expulsion.

Mais des preuves, il y en a malheureusement encore bien plus. Toutes les semaines, des demandeurs et demandeuses d’asile, avec parfois un bébé en très bas âge et même des enfants scolarisés, sont emmenés menottés à Cointrin. Nous dénonçons le travail ignoble que les autorités souhaitent pratiquer sous notre nez, en nous demandant de fermer les yeux. Impossible de faire confiance à la police, impossible de ne pas médiatiser, comme le demande M. Maudet, car nous sommes témoins de trop d’ignominies pour cela. solidaritéS soutient tous les collectifs qui se battent pour la fin immédiate des accords Dublin, toutes les personnes qui font preuve de désobéissance civile pour exiger une réelle politique d’asile plutôt que la mascarade proposée par Mme Sommaruga!

Aude Martenot